La gestion de l’hygiène des menstrues, une urgence sanitaire

Au Burkina Faso, l’inaccessibilité à l’eau propre, aux toilettes adaptées et la pauvreté exposent une grande majorité de femmes et de filles à la précarité menstruelle et à ses conséquences sur la santé.

Par l’absence de toilettes privées propres, le manque d’eau et de tissu pour absorber le flux de leurs menstrues, des femmes préfèrent tomber enceinte. La raison, elles auront  une année ou plus d’absence des règles qui les mettront ainsi à l’abri des angoisses de la gestion des règles  et des humiliations du pagne tacheté de sang. Ce témoignage est rapporté par une participante à la séance de causerie éducative sur la gestion de l’hygiène des menstrues, organisée  par l’association Yikri  au profit des femmes déplacées internes dans les communes de Ziniaré et de Nagréongo (région du Plateau Central) au Burkina Faso. L’organisation à base communautaire participe au programme Voix Essentielles de l’ONG Speak Up Africa.

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Une jeune fille étale les morceaux de tissus qui servent pour l’hygiène de ses menstrues dans la commune rurale de Saaba, près de Ouagadougou (Burkina Faso). Photo : Siméon Sawadogo

Les menstrues ou les règles correspondent à un écoulement sanguin périodique se produisant chez la femme chaque mois, lorsqu’il n’y a pas eu de fécondation, à partir de l’âge de la puberté jusqu’à la ménopause. Dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest, la précarité menstruelle c’est à dire la difficulté de se procurer des protections hygiéniques touche une grande majorité de femmes. Une bonne hygiène des menstrues préconise « l’utilisation par les femmes et les adolescentes d’un matériel propre pour absorber ou collecter le sang menstruel, qui peut être changé en privé aussi souvent que nécessaire pendant la durée des règles, l’utilisation d’eau et de savon pour se laver le corps selon les besoins, et l’accès à des installations sûres et pratiques pour éliminer le matériel utilisé ».

Au Burkina Faso avoir une hygiène menstruelle est un luxe. Seulement 23% des femmes indiquent disposer de  tout ce dont elles ont besoin pour gérer leurs règles. Ces femmes, pour l’essentiel, vivent en ville.

Les 77% restant, rurales, évoquent entre autres le manque d’espace privé ou sûr, de savon et d’argent pour acheter les protections hygiéniques ou d’antidouleurs, et  l’absence d’eau. Les taux d’accès à l’eau, l’hygiène, l’assainissement sont faibles. Egalement, plus de 40% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté. Or, il faut débourser près de 5000 F CFA par mois pour l’achat des kits d’hygiène homologués pendant la période menstruelle. De quoi augmenter l’angoisse des jeunes filles issues des ménages vulnérables.

L’hygiène menstruelle, une urgence sanitaire

Dans le pays, plus de 6 millions de femmes sont concernées par les menstrues  (intervalle d’âge de 12 à 50 ans). Au péril de leur santé gynécologique, la précarité menstruelle emmène un nombre élevé de jeunes filles et de femmes à utiliser le « système D (débrouillardise) ». Cela se matérialise par l’utilisation des morceaux de pagnes usagés et impropres, l’achat de serviettes non homologuées, le non-respect des délais de trois à quatre heures pour le changement des serviettes au cours  de la journée, comme l’indiquent les médecins.

Cette situation expose les femmes à « de nombreuses infections urogénitales (vaginose, mycose, infections urinaires etc) ayant des symptômes douloureux et gênants » explique docteur Amélie Naré, médecin gynécologue.

Dans le détail, « le sang est un milieu de culture des bactéries » et « une mauvaise hygiène génitale durant la période menstruelle contribue à un développement de bactéries à l’origine d’infections vaginales et urinaires » ajoute la gynécologue.  

Au regard de l’accès limité des populations aux services de santé, ces maux liés à l’hygiène menstruelle ne sont pas toujours soignés, alors qu’«une infection vaginale  non  traitée ou mal traitée  peut remonter au niveau de l’utérus, ce qui pourrait boucher les trompes et provoquer une infertilité. Elle peut même être dramatique à travers la possibilité d’une propagation  au niveau du bas ventre et de généralisation dans tout le corps » a averti docteur Amélie Naré. A cela s’ajoute les chocs psychologiques des humiliations qu’impose la précarité menstruelle.

La gestion de l’hygiène menstruelle est aujourd’hui  un problème de santé publique. La crise humanitaire, résultante des multiples attaques terroristes que vit le Burkina Faso depuis 2015 renforce l’urgence sanitaire de l’hygiène des menstrues. En effet, près de 2 millions de personnes sont déplacées internes. Les femmes qui en constituent plus de la moitié sont installées sur des sites d’accueil dépourvus d’infrastructures WASH. Malheureusement les actions en matière d’hygiène menstruelle sont beaucoup plus dirigées vers les filles en milieu scolaire. D’où l’urgence d’y apporter une réponse plus globale à l’échelle nationale.

Les ONG et associations comblent le vide laissé par l’Etat

Constamment interpellé sur son incapacité à améliorer les taux d’accès aux WASH et surtout, à la gestion des hygiènes menstruelles l’Etat burkinabè a fini par se faire substituer à son poste par les ONG et associations. Elles  construisent des infrastructures, informent, sensibilisent les populations et forment les femmes à la fabrication des serviettes hygiéniques.

Pour le moment, la mise en œuvre des conditions favorables à une meilleure hygiène menstruelles est un simple  vœu dans le nouveau référentiel de développement économique et social 2021 – 2025 du Burkina Faso.

Harouna Drabo

 

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