De Tikaré à Ouagadougou, Sobila et Nopoko filent habilement le coton à main nue

Déplacées à cause de la crise sécuritaire, Sobila Ouédraogo et Nopoko Sawadogo ont quitté Tikaré, leur village d’origine dans le Centre-Nord. Refusant de sombrer dans l’inactivité, elles ont emporté avec elles un héritage précieux : l’art du filage manuel du coton. Depuis Ouagadougou, elles poursuivent ce métier transmis de génération en génération.

Sobila Ouédraogo et Nopoko Sawadogo filent le coton depuis leur plus jeune âge. Originaires de Tikaré, située dans le Centre-Nord du Burkina, elles ont appris cet art traditionnel dans leur commune natale. Chaque saison, leur famille cultive du coton. A maturité, elles sont chargées de le récolter, de l’égrener, puis de le filer pour le revendre aux tisserands locaux.

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Sobila Ouédraogo (à gauche) et Nopoko Sawadogo (à droite)

Mais en raison de l’insécurité, elles ont dû fuir leur village il y a deux ans pour s’installer à Ouagadougou. Hébergées chez l’un de leurs fils dans le quartier Kalgondhin, elles ont refusé l’oisiveté et ont choisi de continuer leur activité artisanale.

La trajectoire d’approvisionnement du coton a donc changé. Désormais, le coton leur parvient depuis leur localité d’origine où leur famille, réinstallée, les approvisionne régulièrement.

Processus de filage

Elles les égrènent à l’aide du « moulin à coton » ou de l’égreneuse manuelle. Il s’agit d’un dispositif rudimentaire composé d’une pierre avec une barre de fer actionnée à la main, qui permet de séparer les graines des fibres de coton. « La pierre ne doit en aucun cas être mouillée», prévient Sobila.

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Sobila égrène le coton

Une fois égrené, le coton aplatit est ensuite enroulé. Elles passent maintenant au filage à l’aide d’une barre de fer appelée le Rouet, sur laquelle elles tirent le coton pour l’affiner. Elles les tordent pour former un fil solide. Les mains constamment trempées dans de la cendre, permettent d’enrouler au fur et à mesure, le fil sur des bobines pour former un rouleau de fil de coton en forme de fuseau, prêt au tissage.

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Le fil enroulés sur des bobines pour former un rouleau de fil de coton en forme de fuseau, prêt au tissage.

« Le travail n’est pas difficile. Nous avons été formées depuis notre tendre enfance. Nous venons d’une lignée de fileurs de coton qui s’est perpétuée de génération en génération », confie Sobila, la plus âgée des deux.

Processus de commercialisation

Une fois les fils prêts, elles les envoient au village. Ils seront vendus par le bais des membres de leurs familles qui sont sur place et leurs dus leur sont retournés. « Nous les vendons à 1 250 ou 1 750 FCFA, selon la taille du rouleau », précise-t-elle.   Les graines recueillies lors de l’égrenage sont aussi envoyées au village et seront servies pour cultiver leurs champs de coton.

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Le fil prêt au tissage

« Nous vivons de ce travail. Il nous permet de subvenir à nos besoins sans dépendre de personne », ajoute Nopoko avec fierté.

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Malgré l’évolution technologique et l’arrivée des machines à filer, Sobila et Nopoko continuent de faire confiance à leurs doigts expérimentés. Toutefois, elles regrettent le manque d’intérêt des jeunes pour cette activité traditionnelle. « Avant, tous les jeunes étaient initiés au filage. Aujourd’hui, avec les téléphones et les distractions modernes, ils ne veulent plus apprendre », déplore Sobila.

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Du coton égrené prêt pour le filage

Déterminées à transmettre leur savoir, elles impliquent leurs enfants. « Tous mes enfants sont mariés, mais quand ils viennent me rendre visite, ils doivent filer. C’est obligatoire, » dit-elle en souriant.

Une manière pour la fileuse de perpétuer les connaissances du coton à sa progéniture pour qu’à leur tour, ils puissent le transmettre à leurs enfants.

Diane SAWADOGO/ MoussoNews

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