Des enseignants entre enthousiasme et inquiétude suite à l’introduction de l’anglais au primaire au Burkina

Après une expérimentation dans 824 écoles qui concernait uniquement les classes de CE1, l’anglais est désormais enseigné dans toutes les classes du primaire à partir de cette rentrée scolaire 2025- 2026. Une réforme tant ambitieuse mais houleuse, car si elle est appréciée pour sa valeur ajoutée à l’éducation, des insuffisances telles que le manque de formation des enseignants suscite déjà des interrogations.
Au Burkina Faso, dès le primaire, tous les élèves suivent désormais des cours d’anglais. Cette généralisation fait suite à une phase pilote lancée l’an dernier qui a de ce fait, présenter des résultats encourageants, selon la Direction générale de la Qualité de l’Éducation préscolaire et de l’Enseignement primaire (DGQEP).

Dans les écoles, un enthousiasme mêlé d’inquiétude
Ce mardi, l’ambiance est plutôt studieuse à l’école primaire Tanghin Barrage A à Ouagadougou. Au son de la cloche, Rasmata Zoundi/ Compaoré se dirige vers sa classe, le CE2. Dès son entrée, une soixantaine d’élèves se lèvent et d’un même élan : “Good Morning Madam”, lancent-ils.

Depuis la rentrée du 1er octobre, l’enseignante a déjà entamé les premiers cours. « Ils sont très excités quand on leur apprend l’anglais. Pour l’instant, on se limite aux salutations et aux expressions de base. Les cours sont oraux, donc ils ne font que répéter ce que l’on leur apprend” explique-t-elle.
Même atmosphère dans la classe de CM2 de Sê Nacoulma/ Topan. Devant ses élèves, elle leur apprend à se présenter. “ Quand il est l’heure pour l’anglais, ce sont des réjouissances dans la classe. Les enfants aiment vraiment”, se réjouit l’institutrice.

Mais derrière cet engouement, se cachent des difficultés chez les enseignants. « Nous n’avons pas été formés. Cela fait plus de vingt ans que j’ai quitté les bancs. Même si c’est un apprentissage oral, nous avons besoin d’une mise à niveau. Parfois, on doute même de notre prononciation », confie-t-elle.
Même constat du côté de Rasmata Zoundi/ Compaoré. « Nous leur apprenons à dire bonjour, à se présenter… Mais c’est difficile sans formation préalable ni documents adaptés. Une formation ou le déploiement de professeurs d’anglais aurait été idéal », propose-t-elle.
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Une réforme aux ambitions modernes
Pour la chargée de projet au Cadre de concertation des ONG et associations actives en éducation de base (CCEB), Rayaissé Zougouri, impliqué dans le projet FASOVEIL, cette réforme s’inscrit dans une dynamique de modernisation de l’enseignement au Burkina Faso.
« L’introduction de l’anglais au primaire est une bonne chose. Cela permettra aux élèves d’être plurilingues et de mieux s’adapter aux enjeux contemporains. L’anglais est la langue des affaires, de la science et de la technologie », explique-t-elle.

Elle rappelle que cette mesure s’ajoute à d’autres réformes déjà engagées par le gouvernement, telles que l’instauration du port de l’habit traditionnel à l’école, la mise en place des jardins et champs scolaires, ou encore l’introduction des langues nationales et de l’apprentissage des métiers.
Si l’initiative est saluée, plusieurs défis demeurent. « Le premier défi est la formation des enseignants. Beaucoup ont un niveau BEPC ou BAC, mais cela ne suffit pas pour enseigner une langue étrangère. Le second, c’est la production des manuels et guides pédagogiques en quantité suffisante », analyse Mme Zougouri.
Elle insiste aussi sur la nécessité d’uniformiser la prononciation et d’assurer un accompagnement technique durable. « Sans formation ni ressources didactiques, il sera difficile d’assurer un enseignement de qualité », prévient-elle.
Certains acteurs s’interrogent également sur la charge horaire. L’anglais est actuellement enseigné une heure par semaine, soit deux séances de trente minutes les mardis et vendredis. « Les programmes sont déjà très chargés, mais si la réforme a été validée, c’est que sa faisabilité a été étudiée », souligne-t-elle.
Mousso News avec Studio Yafa



