A Kouritenga, il faut de peu pour trouver Billa Assanatou. A peine la question posée à un passant « Bonjour, SVP on cherche la menuisière », qu’on indique immédiatement son atelier. Bila est bien connue dans son quartier. Depuis plus de 20 ans, elle s’impose, scie à la main et courage en bandoulière.

Après le CM2, Billa Assanatou voulant apprendre la couture. Mais le destin ou plutôt l’oncle de son père, en a décidé autrement. Il l’inscrit au collège technique de Garango où elle obtient le CAP en 2004.
D’une promotion qui comptait 5 femmes, Billa est la seule à avoir terminé son parcours dans la menuiserie. Sans suite de formation ni de BP ni de BAC, elle débute un stage dans une structure de menuiserie qui débouche à un contrat d’embauchement.
Cette première structure a été une école de rigueur et de résistance pour elle. Elle y a participé à la construction de la Présidence du Faso (Kossyam) dès son arrivée en 2004. « Quand j’ai rejoint, ils étaient sur le projet de Kossyam. Donc immédiatement on nous a lancé sur les travaux parce que le stage impliquait les travaux terrains », détaille-t-elle.
Dans cette société, Billa en a vu des vertes et des pas mures. Pourtant c’est là-bas qu’elle a appris à se battre.
Elle était sujet de raillerie, d’injures et de découragements. « Je voulais déserter entre temps mais mon père m’a encouragé à continuer. Les travaux étaient pénibles ; en plus de la pression, des injures des uns et autres du bureau. Sous des clims, mes collègues me disaient : toi tu es là, tu effectues ce travail voilà les autres qui sont dans des bureaux ; on va voir comment tu vas avancer. Souvent il y’a des matériels qu’on soulève et laissent tombés sur ma main », se souvient-elle comme si c’était hier.
Elle reconnait qu’elle doit sa résilience à son père qui lui a été un grand réconfort ainsi qu’à certains de ses supérieurs. A entendre Billa, cette première structure l’a vraiment fortifié à travailler. « Quand tu ne souffres pas, tu ne peux pas avoir ce que tu veux. J’ai pleuré mais aujourd’hui ça va », se réjouit -elle.
Défis de femmes dans un métier d’hommes
Billa Assanatou a travaillé dans sa première structure de novembre 2004 à 2016 sans relâche avant d’être licenciée. Malgré son expérience, la suite a été difficile. « De 2016 à 2018, j’ai tapé à toutes les portes, mais je n’ai pas eu d’accompagnement. Il n’ y a pas un ministère que je ne connais pas », se remémore-t-elle.
C’est à l’issue d’une formation initié par une église que Bila à créer son entreprise de menuiserie bois en 2018 dénommée Menuiserie Ebénisterie Israël. Mais là c’était encore compliqué pour elle qui était limité en formation et en finance. « J’ai rangé la société dans les tiroirs », se rappelle-t-elle.
C’est en 2021, que Billa s’envole en Egypte grâce à la Chambre du Métier pour une formation sur le bois pour se perfectionner pendant 2 semaines. Elle y a rejoint 22 personnes venus de 12 pays. L’année suivante, elle commence à être sollicité par des clients.
Manque de financement, de visibilité, de défiance des clients…Les épreuves de Bila ont continué. « Souvent je montre mes photos pour qu’on me croit lorsque je dis que je suis menuisière. Plusieurs fois, des clients ont exigé à connaitre où je travaille, et quand ils ont vu que c’était un hangar, ils se sont retrouvés avec leur argent. Pourtant ce n’est le coin le travail, c’est la personne », raconte-t-elle avec amertume.
D’un simple hangar, Billa a déménagé en 2024 dans un véritable atelier. Aujourd’hui comme elle le dit « quand tu fais bien ton travail, il se vend lui-même ». Dans son atelier, Billa confectionne divers meubles de bureau, de culte, scolaire et des mobiliers de maison.

Kaboré Estelle est une cliente de longue date de Bila qui ne tarit pas d’éloges pour elle. « Je la connais depuis 2004. Elle travaille très bien et est prompte. Elle a toujours pris soin de mes meubles. Elle n’est dans le faux. Beaucoup d’hommes qui ont travaillé avec elle dans son atelier, ont tous fui et ont témoigne. C’est eux même qui me le disent lorsque je demande à savoir pourquoi je ne les vois plus dans son atelier », a-t-elle témoigné en rappelant qu’elle doit passer prendre sa commande de 2 tabourets.

Billa Assanatou, une inspiratrice
A l’association Eclat Féminin, Bila est une des pionnières dans la menuiserie bois. Elle motive les jeunes filles à ne pas considérer un quelconque métier comme masculin. « Le métier est pour tout être humain. Dieu a créé la femme à partir des cotes de l’homme, ce qui sous-entend que ce que l’homme peut faire, la femme aussi peut le faire. Mais elle ne doit jamais se comparer à l’homme ; elle doit lui etre soumise », illustre-t-elle.

Billa se considère désormais comme une évangéliste de la jeunesse à travers ses conseils et motivations. Pour elle, dans la vient toute personne doit été doté du courage d’un voleur. « Il faut avoir le courage d’un voleur. Il sait que s’il rentre dans une cour pour voler on peut le tuer, mais il y va quand même. C’est pour dire qu’il faut avoir l’amour de travailler de réussir », explique-t-elle.
Dera Sahid Ibn Abmad fait partie de ces jeunes qui ont été positivement influencé par Bella. Il travaillait avec un autre menuisier et prêtait de temps en temps main forte à Bella. Cependant en 2023, il a décidé de quitter son premier patron et de rejoindre Bella. Aujourd’hui, il est fier de lui et d’elle. « Je n’ai aucun souci avec elle. C’est rare de trouver une femme menuisière. Elle est honnête et aime le travail bien fait. Ce qui me motive à travailler et à lui trouver aussi souvent des mains forte », a-t-il témoigné fièrement.
Annick HIEN/MoussoNews