Burkina Faso : Des femmes au cœur de la gestion des boues de vidange

Au Burkina Faso, la gestion des boues de vidange représente un défi crucial pour les villes en pleine expansion. Ces déchets, constitués des matières issues des fosses septiques et des systèmes d’assainissement domestiques, représentent un risque important pour la santé publique. Dans de nombreuses zones urbaines, l’insuffisance des systèmes d’évacuation et de traitement rend la situation critique, entraînant odeurs, contamination des sols et des eaux, et risques sanitaires accrus.

Face à ce défi, des projets émergent pour structurer la gestion des boues de vidange et encourager la participation des femmes dans un secteur historiquement masculin.  Lancé en 2020 par l’Université Félix Houphouët Boigny avec l’appui de la Fondation Gates, le programme Inclusive Sanitation Capacity-Hub (ISC-Hub) renforce les capacités des acteurs du secteur de l’assainissement notamment de la gestion des boues de vidange, avec un accent particulier sur le leadership féminin. ISC-Hub est piloté au Burkina Faso par l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE).

Trois promotrices de services de gestion de boues de vidange

Parmi les bénéficiaires des activités de renforcement de capacités et de coaching menées par ISC-Hub au Burkina Faso, figurent Odette Ouédraogo, promotrice de Burkina Hygiène, Adjara Kadio, promotrice de Ethan SARL, et Natacha Koné, promotrice du Réseau Économique et Solidaire. Elles se distinguent par leur engagement et leur parcours atypique. 

« J’ai voulu faire le métier. Les gens m’ont dit “Madame, ce travail n’est pas facile”. Je me suis dit qu’il fallait essayer et comprendre le travail des boues de vidange se passe. », raconte Odette Ouédraogo.  

Pour Adjara Kadio, la motivation est née au sein de l’entreprise familiale Ethan SARL : « Mon grand frère avait acheté un camion vidangeur et m’a chargée de gérer les travaux. Suivre les chauffeurs sur le terrain m’a passionnée. Aujourd’hui, tant qu’il n’y a pas de mission sur le terrain, je ne suis pas tranquille », confie-t-elle.

Natacha Koné, promotrice du Réseau Économique et Solidaire, a quant à elle découvert la préfabrication de dalles et la construction de latrines grâce à des amis entrepreneurs. « On m’a expliqué les démarches pour m’inscrire et suivre la formation. J’ai appris à gérer mes recettes, utiliser des outils informatiques et développer de nouveaux marchés, y compris une activité saisonnière pour enfants », explique-t-elle.

Formées et accompagnées

Le programme ISC-Hub ne se limite pas à la formation technique. Il propose coaching pratique qui permet aux participantes de mobiliser des ressources, de gérer efficacement leur clientèle et de structurer leur administration, comme l’explique Abdoul-Wahab Annou, responsable du centre d’incubation d’entreprises de 2iE : « l’accompagnement vise à rendre les femmes opérationnelles dès le départ. Elles appliquent les outils immédiatement et peuvent développer leurs entreprises tout en améliorant la qualité des services d’assainissement. »

Pour des résultats concrets

Les résultats sont visibles sur le terrain. Grâce au programme ISC-Hub, elle ont amélioré la gestion de leur personnel et relancé leurs clients. En une année, elles ont réussi à mobiliser des marchés d’une valeur de plus de 40 millions de FCFA et obtenu un accompagnement financier pour développer ses activités.  Elles se réjouissent d’avoir des cartes de visite, une page Facebook et un cahier de tenue de compte.

« Avant la formation, j’avais beaucoup de difficultés. Je gérais mon entreprise à la « va t’asseoir ». Je n’avais pas de cahier de recettes, pas de système marketing. Mais avec la formation, il n’y a pas un client qui passe devant moi. », se félicite Odette Ouédraogo.

« J’avais des difficultés au niveau de la gestion du personnel. Je n’avais pas de stratégie de relance des clients. Je n’étais pas sur les réseaux sociaux. Pourtant, c’est un moyen pour élargir la clientèle. », ajoute Adjara Kadio.

À en croire Natacha Koné, la formation délivrée par ISC-Hub a permis de prendre conscience de la nécessité de l’outil informatique : « Pour mon entreprise, je faisais les décharges pour les paiements mais pour les entrées et les dépenses, je ne notais pas. Je n’utilisais pas l’outil informatique. La formation m’a permis de savoir que c’est très important pour une entreprise. »

« Leur motivation et leur implication ont été exceptionnelles. À chaque étape, elles ont appliqué les outils et cherché à progresser » explique Hyacinthe Kaboré, formateur et coach en gestion d’entreprise dans le cadre d’ISC-Hub.

Le professeur Kouassi Dongo, Directeur exécutif du programme ISC-Hub, salue les avancées obtenues : « L’autonomisation des femmes, la création d’une plateforme collaborative et le développement de modules de formation sont des acquis majeurs. La continuité sera assurée par un réseau mobilisant étudiants et professionnels. » Grâce à cet accompagnement, les Amazones de l’assainissement Odette Ouédraogo, Adjara Kadio et Natacha Koné participent activement à l’amélioration des conditions sanitaires dans leurs communautés et montrent que la transformation d’un secteur longtemps dominé par les hommes peut passer par la détermination et la professionnalisation des femmes.

Déconstruire les préjugés

Les trois entrepreneures insistent également sur l’importance de déconstruire les préjugés. Odette Ouédraogo rappelle : « Il n’y a pas de sot métier. Si l’on valorise bien les boues de vidange, rien n’est à jeter. » Adjara Kadio ajoute : « Beaucoup pensent que la vidange est sale ou réservée aux hommes, mais en réalité, c’est aider les familles à garder leur environnement propre. » Quant à Natacha Koné, elle insiste sur la volonté personnelle : « Personne ne m’a donné cinq francs pour commencer. J’ai tout construit avec détermination. Si on veut, on peut réussir. »

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