#AuNomDesFemmes | SILENCE ! MON FILS DORT.

22h07mn. Arrêt « Puits-sans-vin », le bus 79 s’arrête. Fathia s’engouffre dans l’autobus, direction le district de Saint Louis. Temps pluvieux, ils l’avaient annoncé à la météo ce matin. Une de ses journées dont l’anxiété du réveil annonçait déjà la lourdeur de la soirée. Elle ferma les yeux. Son esprit divagua le long des esplanades. Cette vision panoramique sur cette magnifique nature à perte de vue lui décrocha un rictus du coin de ses lèvres. Puis, le souvenir de Monsieur Samir lui revint comme un coup de massue. Une larme au coin de son œil manqua de mouiller son chemisier. Elle serra plus fort son sac à main contre elle, comme si elle souhaitait le faire disparaitre.

#AuNomDesFemmes | SILENCE ! MON FILS DORT. 2

***

Une heure auparavant, dans la résidence de Monsieur Samir, Fathia venait de lancer le lave-linge. Il était 21h23mn. Le vrombissement de la machine retentit dans toute la pièce, faisant apparaitre le maître de maison. Monsieur Samir sorti de sa chambre et se dirigea vers la cuisine.  Il avait l’air d’avoir une bonne soixantaine d’années. Son âge, Fathia ne lui avait jamais demandé. Ses jambes étaient bien tassées, étrange contraste avec la symétrie de son corps.

Il rejoignit Fathia dans la buanderie et lui tendit un verre de vin qu’il tenait à la main gauche. Il l’invita à le rejoindre dans la salle de séjour. Confuse, Fathia resta silencieuse. Cela faisait à peine 03 mois qu’elle était au service de ce bonhomme ventripotent, en tant que gouvernante. Ils s’adressaient à peine la parole lorsqu’ils étaient dans la même pièce. Avec insistance, elle se laissa guider et quitta la pièce. Monsieur Samir l’invita à boire son breuvage, en l’honneur, dit-il, de la réussite de sa période d’essai à son service. Fathia se laissa poser sur le fauteuil de tout son poids. Ensuite, elle s’exécuta et vida son verre à gorge déployée.

Elle n’eut le temps de reposer son verre que celui-ci glissa et tomba. Elle fut prise de tournis et préféra s’adosser au canapé. Dans un état d’étourdissement, elle sentit une main glisser le long de son cou, dans ses cheveux, puis redescendre entre ses jambes.  Fathia ne bougea point, comme paralysée.

  • Que faites-vous Monsieur Samir ?
  • Rien que tu ne veuilles Fathia.
  • Non, j’ne veux pas Monsieur !
  • Si ! Tu verras, tu vas aimer.
  • Non Monsieur Samir ! Je vous en supplie, ne me…

Fathia n’eut le temps de terminer sa doléance qu’elle fut jetée sur le canapé.  Une espèce de manche à balai écarta délicatement ses jambes et déchira ses parties intimes.

D’un cri strident propulsé du dernier souffle de ses poumons, elle opposa son refus catégorique.

  • Arrêtez s’il vous plait Monsieur Samir, j’en peux plus.
  • Tais-toi, chuuuuuuuut ! J’t’ai dit de la fermer ! Tu vas réveiller mon fils.
  • S’il vous plait Monsieur, j’ne veux pas !
  • Silence ! Mon fils dort ! lui cria Monsieur Samir avant de projeter la manche à balai contre le la porte d’entrée.

Et cela n’a duré que deux longues minutes. Elle ouvrit à nouveau la bouche. Aucun son ne sortit. Elle voulut crier mais cette phrase lui revint en mémoire :

  • « Silence, mon fils dort ! »

***

22h35mn. Arrêt « Place de la femme ». La voix rauque du conducteur du bus se fit entendre « Terminus. Tout le monde descend. Rassurez-vous de n’avoir rien oublié dans le bus ».

Fathia reprit ses esprits. Elle suivit le mouvement de descente et s’engouffra dans son immeuble.

  • Maman, où étais tu ?
  • Je suis là maintenant mon fils.

Fathia prit son fils dans ses bras et le serra tout fort contre elle.

  • Où étais-tu Maman ?
  • Ne t’inquiète plus mon fils, je suis la maintenant.

C’était Abdel, 12 ans, le fils de Fathia. Il avait attendu sa mère toute la nuit, au seuil de la porte.

  • Viens mon fils, repose-toi dans les bras de maman.
  • A ton tour de dormir maintenant.

Pas si loin l’idée de se jeter du haut d’un pont, songea Fathia, pendant que son fils dormait dans ses bras. Peut-être serait-elle purifiée de cette souillure.

Porter plainte ? En parler peut-être ? A qui ? Elle ne serait qu’une statistique de plus dans les cas d’agressions sexuelles du district de Saint Louis. Sa vie est de celle qu’on ne connaitra jamais. Comme une femme de ménage de vingt-neuf ans que l’on ne croira pas.

***

Hommage à toutes ces femmes, Qui dans le silence de leurs larmes, Pansent leurs plaies.

Je suis un(e) ami-e ou un membre de la famille d’un(e) survivant-e de violences sexuelles : découvrez comment l’aider

Pélagie NABOLE

Écrivaine, et Artiste peintre autodidacte.

Spécialiste en communication d’influence, je me passionne des sujets relatifs au développement du leadership et de l’autonomisation des jeunes et des femmes

Twitter

LinkedIn

Loading

Partagez

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *