Autrefois omniprésent sur les étals des marchés, le beurre de karité naturel, produit à la main par nos vaillantes mamans burkinabè, tend aujourd’hui à disparaître. À la place, on retrouve de plus en plus des pots aux emballages modernisés, souvent issus d’une transformation industrielle. Ces versions, bien que plus présentables, perdent en authenticité et en qualité. L’odeur, la texture, les vertus thérapeutiques… rien n’égale le beurre brut, celui fait avec patience, selon les savoir-faire hérités.

« Celui transformé en usine est parfois mélangé à d’autres substances, chauffé à haute température, ou encore parfumé artificiellement. Alors que le nôtre est juste fait de noix de karité . Et cela vient rivaliser avec notre production naturelle », explique Bibata Namogo, ancienne fabricante du beurre de karité.
Elle rajoute que malgré la beauté et l’originalité de ces nouvelles productions, c’est une matière à ne surtout pas consommer. « Si les gens veulent toujours le beurre de karité pour accompagner leurs cuisines, c’est mieux de revenir dans les petits marchés du quartier pour s’en procurer », a-t-elle souhaité.
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Pour Maïmouna Ouédraogo, le beurre de karité artisanal est un produit de valeur, chargé d’histoire et de culture. Sa disparition progressive des marchés traduit un effacement du savoir-faire des femmes burkinabè. « Si aujourd’hui les gens se plaignent de sa rareté, ce n’est la faute à personne, il n’y avait pas de noix de karité », souligne-t-elle.
A l’entendre, avant, le plat de beurre était vendu à 2500F CFA ou 3000F CFA, mais aujourd’hui, il est minimum à 6000 FCFA. « Et avec tout ça, quand les gens viennent pour payer, ils disent que c’est cher et ils laissent. Je fais souvent un mois avec un plat », affirme-t-elle.
En effet, la baisse de la production du karité les années antérieures est la cause de la non-disponibilité du beurre de karité local. « Il n’y avait pas de noix de karité, alors que sans ça, nos mamans ne peuvent pas produire le beurre de karité. Nous ne savons pas comment les occidentaux fabriquent leur beurre de karité, mais moi, je sais que ce n’est pas de la bonne qualité comme pour nous. Ni la texture, ni l’odeur, ni même l’efficacité du beurre n’est à comparer au nôtre », déclare Aline Zombré, qui dit adorer le beurre de karité.
Grande consommatrice du beurre de karité, Aline l’utilise pour sa cure chevelure, sa pommade corporelle. « Nous, les habitués, savons pourquoi ce n’est plus accessible et très cher. D’ailleurs, la qualité coûte cher », ajoute Aline en souriant.

Par contre, Idrissa Yaméogo (nom d’emprunt) déclare préférer celui modernisé, disposé dans les rayons avec un joli packaging. « Chacun son goût, aujourd’hui les choses ont changé. Personnellement, je préfère la modernité, c’est plus joli, ça sent bon et souvent c’est mélangé à d’autres produits qui font du bien à notre peau. Ce n’est pas pour la consommation que je m’en procure », explique-t-il.
Entre un pot joliment étiqueté et un tas de beurre brut préparé à la main, le choix dépasse aujourd’hui la simple apparence. Il devient un acte de résistance, un geste de reconnaissance envers ces femmes.
Astrid BAMA (Stagiaire) /MoussoNews