De nos merdes, elle en fait une mine d’or

Regardée de loin et avec mépris, la vidange est pourtant une niche économique dans laquelle Odette Ouédraogo a trouvé son filon d’or dans la capitale burkinabè. Portrait.

Quand Odette Ouédraogo jette un coup d’œil dans passé, elle n’en revient elle-même pas de ce jour de mars 2009 où elle a plaqué son poste de machiniste dans une usine pour devenir éboueuse. A l’époque, incompréhension totale de son entourage. Au Burkina Faso, vidangeur de fosses septiques, c’est mal vu, quand on est une femme c’est encore pire. « Une femme qui manie du caca à longueur de journée porte malheur », se souvient Odette, rappelant les nombreuses railleries qu’elle a subies.

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Pas assez pour l’en dissuader malgré la situation presqu’à la banqueroute de Burkina Hygiène, l’entreprise de vidange des fosses septiques créée par son père vingt ans plutôt. Avec un seul camion vidangeur fonctionnel, Odette partait déjà avec du plomb dans l’aile.

 « Mon premier jour en tant que vidangeuse, a été décisif. Quand je suis sortie le matin avec le camion, j’avais 15 mille francs CFA (22 Euros) en poche. Je suis rentrée à la fin de la journée avec 150 mille (229 Euro). J’ai tout de suite compris que c’était mon avenir », se remémore Téné, pouffant de rire.

Filon

Depuis lors, la condescendance de  son entourage ne l’a guère freinée. Avec le soutien de ses proches  et par sa détermination, Odette s’impose dans le secteur économique de la vidange au Burkina. Et  à y briser les préjugés. Son carnet de commande explose.  Partout, les clients sollicitent l’expertise de Burkina Hygiène. Les journées de travail d’Odette sont longues, pas moins de 18 heures. Sa réputation de professionnelle dévouée n’y est pas étrangère. Sa singularité aussi. Femme vidangeuse, ça ne court pas les rues. Nombre de clients veulent voir pour croire.  Et c’est Odette qui se frotte les mains, refusant catégoriquement de dévoiler ses chiffres d’affaires. «

Défis

La seule ville de Ouagadougou produit plus de 200.000 tonnes de boues de vidange par an. Une niche qui attire désormais. Odette doit se préparer à la concurrence. « Quand bien même mon personnel est jeune et qualifié, mon parc lui est  vétuste »,  analyse la patronne de Burkina Hygiène. Odette le sait, pour pérenniser son success story, il lui faudra impérativement investir et innover. Elle s’y prépare.

En attendant, au sein de  de l’association des vidangeurs du Faso où elle est vice-présidente, Odette mène une autre bataille. Celle de militer pour l’accès d’autres femmes à ce corps de métier. Sans favoritisme, clame-t-elle : « j’invite les femmes à venir dans la vidange et j’attends d’elles qu’elles prouvent leur bravoure.»

Cela, poursuit-elle, exige de changer les perceptions autour du métier de vidangeuse, surtout auprès de la gent féminine.  La condition peut-être pour voir se réaliser un de ses rêves : « constituer une équipe entièrement constituée de femmes vidangeuses, chauffeurs de camions et apprenties qui feront ce travail avec moi et qui pourront me remplacer un jour ».

Harouna Drabo

 

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