A des milliers de kilomètres du Burkina, dans l’effervescence de la Chine, Achille Bologo trace sa route entre études supérieures et affaires. Un pied dans les salles de classe en Droit International, l’autre dans les entrepôts et marchés asiatiques, Achille a su saisir l’opportunité qu’offre l’empire du milieu pour se lancer dans l’import-export.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Achille BOLOGO, originaire de Yako au Burkina Faso. Je suis doctorant en Droit International à l’Université Internationale de Business et d’Économie (UIBE) à Pékin, en Chine.
Depuis combien de temps vivez-vous en Chine ?
Je suis arrivé en Chine pour la première fois en 2019. Mais à cause de la pandémie du Covid-19, j’ai dû rentrer au pays quelques mois après. J’y suis revenu en fin 2022 pour poursuivre mes études et mes projets professionnels.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous installer dans ce pays ?
Ce qui m’a motivé à m’installer en Chine est avant tout la position centrale qu’occupe ce pays dans les relations internationales et le commerce mondial. En tant qu’étudiant en droit international, il m’a semblé évident que la Chine représentait un cadre idéal pour approfondir ma formation, en lien direct avec les enjeux géopolitiques et économiques actuels. J’y ai également vu de réelles opportunités, tant sur le plan académique que professionnel. Être sur place me permet non seulement de mieux comprendre les dynamiques juridiques en Asie, mais aussi de m’ouvrir à un environnement économique extrêmement stimulant.
Vie en Chine : comment s’est passée votre intégration dans la société chinoise ?
Mon intégration en Chine n’a pas été simple au départ. La barrière linguistique, combinée aux différences culturelles parfois marquées, a constitué un vrai défi au quotidien. Mais avec le temps, j’ai fait l’effort de m’ouvrir à la culture locale, de m’intéresser aux habitudes sociales, et surtout d’apprendre les bases de la langue. Cela m’a permis non seulement de mieux comprendre mon environnement, mais aussi de créer des liens et de trouver ma place dans la société chinoise. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus à l’aise dans mon quotidien, et cette expérience continue de m’enrichir humainement.
Quelles sont les plus grandes différences culturelles que vous avez remarquées ?
Parmi les différences culturelles qui m’ont le plus marqué, je citerais d’abord l’importance accordée à la hiérarchie dans les relations sociales et professionnelles. J’ai également été frappé par la discrétion dans les échanges, ainsi que par le fort sens du collectif qui prévaut ici, souvent au détriment de l’expression individuelle. Ces éléments contrastent assez nettement avec la culture plus directe, spontanée et chaleureuse à laquelle j’étais habitué. Cela dit, cette expérience m’a permis d’élargir ma perspective, de développer une plus grande sensibilité interculturelle et surtout, de mieux comprendre et respecter d’autres façons de penser et de fonctionner.

Avez-vous rencontré des défis particuliers en tant qu’Africain vivant en Chine ?
Oui, j’ai effectivement rencontré certains défis en tant qu’Africain vivant en Chine. Comme dans beaucoup de contextes interculturels, il peut arriver de faire face à des stéréotypes ou à des malentendus, souvent liés à une méconnaissance de l’Afrique et de ses réalités. Cela dit, j’ai aussi été agréablement surpris par la curiosité bienveillante de nombreuses personnes. J’ai constaté que lorsque l’on fait preuve de sérieux, de respect et d’ouverture, les relations deviennent beaucoup plus fluides. Avec le temps, ces échanges ont souvent été l’occasion de dépasser les idées reçues et de construire un dialogue fondé sur la confiance et la réciprocité.
Parcours professionnel : comment avez-vous commencé dans le domaine de l’import-export ?
J’ai commencé dans le domaine de l’import-export de manière progressive et assez naturelle. Au départ, je rendais simplement service à des amis ou à des connaissances qui s’intéressaient à la Chine, en les aidant à établir des contacts sur place ou à surmonter la barrière linguistique grâce à des services de traduction. Avec le temps, ces expériences m’ont permis de mieux comprendre les rouages du commerce local. J’ai alors commencé à organiser moi-même certains achats, puis à structurer progressivement une véritable activité autour de l’import-export. Cette évolution s’est faite étape par étape, en capitalisant sur la confiance, la rigueur et l’expérience acquise sur le terrain.
Quels types de produits ou de services gérez-vous principalement ?
Je gère principalement des produits liés aux secteurs du bâtiment, de l’automobile et de la technologie. Il s’agit notamment d’articles de construction comme les matériaux, les équipements de chantier ou les accessoires techniques, mais aussi de pièces détachées pour véhicules, voire de véhicules complets dans certains cas. J’interviens également dans le domaine des nouvelles technologies, avec des demandes croissantes pour des équipements comme les drones de surveillance ou d’inspection. Mon objectif est de répondre de manière ciblée aux besoins des clients en leur proposant des solutions fiables, adaptées et compétitives.
Travaillez-vous seul, en partenariat ou avec une équipe ?
Je travaille en collaboration avec un réseau restreint mais solide de partenaires, à la fois en Chine et au Burkina. Cette organisation me permet de rester agile tout en garantissant un haut niveau de fiabilité. Je m’appuie notamment sur des fournisseurs de confiance, des agents logistiques expérimentés et, lorsque nécessaire, des traducteurs ou des assistants locaux. Même si je supervise personnellement l’ensemble des opérations, cette structure en réseau me permet d’assurer une coordination efficace, de gagner en réactivité et d’adapter mes services aux besoins spécifiques de chaque client.
Avez-vous des clients principalement au Burkina Faso ou dans d’autres pays africains aussi ?
Mes principaux clients sont basés au Burkina Faso, mais mon activité s’étend également à d’autres pays de la sous-région. J’ai eu l’opportunité de collaborer avec des partenaires au Ghana, au Togo et en Côte d’Ivoire. Ces échanges m’ont permis de développer une bonne connaissance des dynamiques commerciales propres à chacun de ces marchés, tout en renforçant mon réseau professionnel à l’échelle ouest-africaine. Cette ouverture régionale représente un atout important pour anticiper les besoins, diversifier les opportunités et proposer des solutions adaptées à chaque contexte.
Quels sont les avantages de faire de l’import-export depuis la Chine ?
L’un des grands avantages de faire de l’import-export depuis la Chine, c’est l’accès à une immense variété de produits, dans quasiment tous les secteurs, à des prix souvent très compétitifs. La Chine reste aujourd’hui l’un des principaux centres de production mondiale, ce qui permet de répondre à une large gamme de besoins, qu’il s’agisse d’articles standards ou de produits plus techniques. En ayant une bonne compréhension du marché local, des fournisseurs fiables et des procédures logistiques, il est possible de créer une vraie valeur ajoutée pour les marchés africains, en particulier en apportant des solutions adaptées et économiques à des besoins parfois non couverts localement.
Quels défis rencontrez-vous dans ce secteur, notamment entre la Chine et le Burkina ?
Travailler dans le secteur de l’import-export entre la Chine et le Burkina Faso comporte plusieurs défis. La logistique reste l’un des plus importants : entre les délais de transport maritime, les fluctuations des coûts d’expédition et la coordination entre les différents acteurs, il faut être particulièrement rigoureux pour garantir une livraison fiable. Les formalités douanières peuvent également représenter un obstacle, notamment lorsqu’il y a des changements de réglementation ou un manque de clarté administrative. Enfin, la question du contrôle qualité est essentielle : il est impératif de bien sélectionner les fournisseurs et de vérifier chaque commande afin d’éviter les produits non conformes ou de mauvaise qualité. Ces défis exigent de la vigilance, de l’expérience et une bonne capacité d’anticipation.
Quelles opportunités voyez-vous pour les jeunes Burkinabè dans ce domaine ?
Je vois un fort potentiel pour les jeunes Burkinabè dans le domaine de l’import-export, en particulier dans les échanges entre la Chine et le Burkina Faso. C’est un secteur accessible, à condition d’avoir un minimum de formation, de sérieux et de détermination. Le développement des outils numériques facilite aujourd’hui grandement les démarches, que ce soit pour trouver des fournisseurs, suivre les commandes ou organiser la logistique. Par ailleurs, je tiens à souligner que je ne suis pas seul dans ce domaine : plusieurs compatriotes burkinabè sont présents en Chine depuis plus longtemps que moi et disposent d’une expérience précieuse. Je m’inspire beaucoup de leur parcours et je n’hésite pas à solliciter leurs conseils. Leur accompagnement m’aide à progresser et à éviter certains pièges. Cela montre aussi qu’en s’entraidant, on peut aller plus loin collectivement.
Gardez-vous un lien fort avec votre pays d’origine ?
Absolument, je garde un lien très fort avec mon pays d’origine, le Burkina Faso. Je suis en contact régulier avec ma famille, mes amis et plusieurs partenaires professionnels. Dès que l’occasion se présente, je n’hésite pas à rentrer au pays, que ce soit pour des raisons personnelles ou professionnelles. Ces séjours me permettent non seulement de rester ancré dans la réalité locale, mais aussi de contribuer activement à certaines initiatives. À mon échelle, j’essaie d’apporter ma pierre au développement du pays, notamment à travers le partage d’expérience ou encore la mise en relation avec des partenaires chinois dans des secteurs porteurs. Pour moi, rester connecté au Burkina est une priorité, car ma réussite à l’étranger prend tout son sens lorsqu’elle peut aussi profiter à ma communauté d’origine.
Que pensez-vous de la contribution de la diaspora au développement du Burkina Faso ?
Je suis convaincu que la contribution de la diaspora au développement du Burkina Faso est essentielle. Au-delà des ressources financières qu’elle peut mobiliser, la diaspora représente une richesse inestimable en termes de compétences, de savoir-faire, de réseaux internationaux et d’ouverture sur le monde. Grâce à nos expériences à l’étranger, nous développons souvent une vision complémentaire qui peut s’avérer précieuse pour accompagner les dynamiques locales, initier des projets ou renforcer des partenariats stratégiques. Par ailleurs, face aux défis sécuritaires, notamment la lutte contre le terrorisme, la diaspora burkinabè a su faire preuve d’unité et de solidarité. Partout dans le monde, elle s’est mobilisée à travers des contributions concrètes, qu’elles soient financières, matérielles ou symboliques, pour soutenir les efforts nationaux. Cela témoigne de son attachement profond à la patrie. Pour que cet apport soit pleinement efficace et durable, il est toutefois nécessaire que la diaspora soit écoutée, organisée et véritablement intégrée dans les stratégies nationales de développement. Si elle est valorisée à sa juste mesure, elle peut devenir un véritable pilier de la reconstruction et du progrès du Burkina Faso.

Envisagez-vous un retour définitif au pays ? Si oui, pour y faire quoi ?
Oui, je le souhaite à long terme. Mon objectif est de retourner avec une expertise solide, des partenariats et des projets concrets dans l’éducation, le commerce et pourquoi pas, dans l’élaboration de politiques publiques en lien avec le droit international ou le commerce international.
Quel message souhaiteriez-vous adresser à la jeunesse burkinabè, aux entrepreneurs ou à ceux qui veulent tenter l’aventure à l’étranger ?
Je leur dirais de croire en eux, d’oser sortir de leur zone de confort et de toujours garder en tête qu’on peut réussir honnêtement. Aller à l’étranger ne doit pas être une fuite, mais une quête de compétences pour mieux contribuer à notre pays.
Interview réalisée en ligne par Annick HIEN/MoussoNews