Le pied bot congénital : Une urgence sanitaire, mais négligée

Chaque année, près de 1 000 enfants naissent avec le pied bot congénital au Burkina Faso. Malformation invalidante et stigmatisée, il est pourtant grâce à la technique de Ponseti, pratiquée dans 8 centres hospitaliers du pays. Le Programme Pied Bot Burkina Hope Walks mène le combat pour changer les mentalités, offrir une prise en charge et éviter que ces enfants ne basculent dans le handicap à vie.
Le pied bot est une malformation congénitale dans laquelle le pied est tourné vers l’intérieur et vers le bas. Il survient pendant la grossesse et touche environ un nouveau-né sur 806. Rapporté à la population burkinabè, cela représente près de 1 000 cas par an.
Selon le Dr Oubda Faïçal, manager du Programme Pied Bot Burkina Hope Walks, basé à l’hôpital Schiphra de Ouagadougou, la pathologie touche 60 à 65 % de garçons et 40 à 45 % de filles. Elle peut concerner un seul pied ou les deux et se caractérise par quatre déformations principales que sont entre autres le cavus qui est l’accentuation de la voûte plantaire ; l’adductus qui est la déviation de l’avant-pied vers l’intérieur, le varus qui est le talon tourné vers l’intérieur et l’équin dont le talon est surélevé et les orteils pointent vers le bas.

Dr Oubda informe ainsi, que sans traitement, l’enfant grandit avec un handicap majeur dont la marche douloureuse sur le dos du pied, l’apparition de plaies, des ulcérations… Sur le plan social, la stigmatisation prive nombre de ces enfants d’école et d’insertion professionnelle.
Briser les tabous par la sensibilisation
Dr Oubda révèle cependant qu’une certaine classe sociale de personnes au Burkina, perçoivent le pied bot comme des phénomènes mystiques ou l’associe souvent à une malédiction, une punition des ancêtres.
Pour combattre ces croyances et informer la population sur cette pathologie, une session de formation à l’intention des journalistes s’est tenue ce mardi 30 septembre 2025 à l’hôpital Schiphra à Ouagadougou, pour les outiller afin qu’ils soient des canaux de transmission de la bonne information du pied bot congénital et dans l’objectif également de réduire la stigmatisation.
« Grâce à l’information relayée, les parents sauront que cette maladie n’est ni une malédiction ni une fatalité, et qu’elle peut être guérie », a souligné Dr Oubda.
La technique de Ponseti : un traitement efficace à 95 % voire 100%
Au Burkina Faso, des agents de santé ont été formé à la méthode de Ponseti pour traiter cette malformation, une technique mise en place dès les premiers jours de vie du nourrisson.
Selon les explications du Dr Oubda, le protocole repose sur :
Une série de plâtres correctifs changés chaque semaine (pendant 4 à 6 semaines) ;
Une ténotomie du tendon d’Achille (90 % des cas), petite intervention chirurgicale réalisée en ambulatoire sous anesthésie locale ;
Un dernier plâtre porté trois semaines ;
Le port d’attelles orthopédiques jusqu’à l’âge de 5 ans pour éviter toute récidive.
« Avec ce traitement, 95 % voire même 100% des enfants guérissent définitivement et peuvent mener une vie normale », rassure Dr Oubda.

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Un programme national depuis 2017
Le Programme Pied Bot Burkina est né en 2017 d’un partenariat entre l’ONG américaine Hope Walks – leader mondial dans la prise en charge du pied bot et l’hôpital Schiphra, en collaboration avec le ministère de la Santé. Au Burkina, 8 régions possèdent chacun un centre hospitalier qui traite convenablement le pied bot.
Hôpital Schiphra à Ouagadougou dans le Kadiogo, le Centre médico-chirurgical Morija à Kaya, dans les Koulsé, le CHR Tenkodogo avec Humanité & Inclusion, dans le Nakambé, le CHU Souro Sanou à Bobo-Dioulasso, dans le Guiriko, le Centre Espoir à Fada, Gourma, le Centre Yik-N-Kene à Koudougou dans la région du Nando, le Centre médico-chirurgical pédiatrique Persis à Ouahigouya, dans le Yaadga et le CHR Ziniaré dans la région d’Oubri.
Depuis le lancement, plus de 1 750 enfants ont bénéficié de soins. Le traitement est estimé à 250 000 FCFA par an. « Mais le traitement est totalement gratuit dans les centres partenaires, tels que les 8 centres cités, pour les enfants âgés de 0 à 5 ans.
Le programme Pied Bot ne se limite pas aux soins : il inclut aussi le counseling parental. Des conseillers issus de la communauté accompagnent les familles, rappellent les rendez-vous et effectuent des visites à domicile, permettant d’atteindre 91 % de suivi et d’adhésion au traitement.
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Des résultats encourageants mais un besoin urgent de soutien
Malgré les avancées, le défi reste immense. Chaque année, Hope Walks finance la prise en charge d’environ 300 enfants, alors que près de 1 000 naissent avec cette malformation. Autrement dit, 700 enfants risquent de rester sans traitement et de basculer dans le handicap à vie.
Un appel à la solidarité nationale et internationale
Pour combler ce gap, le Programme Pied Bot Burkina lance un appel à partenaires, donateurs et bonnes volontés. Parrainer le traitement complet d’un enfant coûte 520 000 F CFA pour 5 ans. Les soutiens peuvent également financer
La formation annuelle des médecins et conseillers ;
Le transport des patients vulnérables ;
L’achat de matériel médical et d’attelles orthopédiques ;
La détection précoce et la sensibilisation.
« Si chaque enfant atteint du pied bot reçoit un traitement, il pourra marcher, aller à l’école et contribuer au développement du Burkina Faso. Nous devons donner cette chance à tous », a plaidé le Dr Oubda.
Diane SAWADOGO/ MoussoNews