« Roch Kaboré a suffisamment démontré qu’il est incompétent » Monique Kam

L’unique candidate à l’élection présidentielle de 2020, Yeli Monique Kam président du Mouvement pour la renaissance du Burkina (MRB), a claqué la porte de la majorité présidentielle. Quelles sont les raisons de son départ, quelle action entend-elle mener pour une bonne gouvernance au Burkina ? Quels sont ses rapports avec Saran Sérémé ?

Elle répond à ces questions dans cet entretien accordé à moussonews,

MN :  Pourquoi avez-vous adhéré à la mouvance présidentielle ?

Yeli Monique KAM : Depuis 2009, une loi a été adoptée demandant aux partis politiques de se constituer en formation politique, soit de l’opposition ou de la majorité.  L’objectif de cette loi est d’offrir un cadre de concertation autour des questions d’intérêts nationales. A ce titre, après les élections, puisque le MRB n’a pas reçu le suffrage suffisant pour siéger au Parlement, nous avons jugé utile d’adhérer à la mouvance présidentielle.  Nous ne siégeons pas à l’assemblée, certes, et nous avons estimé que notre projet de société n’a pas été bien compris par les populations. En l’occurrence, lorsque ce cas se présente il faut continuer à travailler, à faire des contributions surtout au niveau des politiques publiques notamment celles déjà mises en œuvre afin d’apporter notre contribution pour une amélioration de ces politiques. Nous avons d’abord lu et regarder le programme du président Rock Marc Christian KABORE et nous avons constaté qu’il y a des chantiers que nous partageons en commun à savoir l’éducation de demain, les réformes institutionnelles, la modernisation de l’administration publique et pleins d’autres chantiers de développement  comme la lutte contre la corruption….

Nous nous sommes ralliés à la majorité présidentielle dans le but de soutenir et faire des propositions pour la bonne mise en œuvre du programme présidentielle de Rock Kaboré. Ainsi depuis mars 2021, nous avons déclaré notre appartenance à la majorité et la formation qui offre le cadre de concertation s’appelle l’Alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP).

 Quel sont les raisons de votre départ de l’APMP ?

Il faut d’abord analyser l’objectif de la constitution de ces formations politiques. Il s’agit, de leur définir un cadre de concertation sur les questions d’actualité, de gouvernance politique, etc. L’APMP en est un. Mais lorsque nous l’avons intégré, nous avons observé qu’il y’avait un disfonctionnement notamment l’irrégularité des rencontres, l’absence de lignes politiques, et l’absence de cadre de concertation en dehors des convocations ponctuelles. Je peux vous compter le nombre de fois que j’ai participé à leur rencontre. Pas plus de trois en moins de dix mois.

Quel était l’objet de ces trois rencontres ?

La première fois que j’ai été convoqué à une réunion, c’était à l’annonce de la marche du 27 novembre. Selon ma compréhension, l’APMP convoque ces alliés lorsque le pouvoir fait face à une contestation populaire et en ce qui me concerne pour toutes mes participations aux réunions de l’APMP, j’ai pu constater que l’ordre du jour était centré sur comment apporter une réponse aux revendications populaires.

Au-delà de ces rencontres légales, avez-vous pris l’initiative de rentrer en contact avec le président Rock Marc Christian KABORE pour lui faire des remarques sur certaines réalités du pays ?

J’ai eu à le rencontrer. C’est le lieu de reconnaitre que le président Kaboré est disponible.  J’ai eu à le rencontrer au moins deux fois  pour le féliciter et l’encourager. Et lorsque la situation du pays recommandait une telle démarche, j’ai été au moins 3 fois le féliciter et échanger autour des questions et je puis dire qu’il a été disponible. Mais ça ne suffit pas parce que je ne suis pas la seule alliée et il y a un cadre qui nous fédère.

Au lieu de prendre des observations qui peuvent paraitre personnelles, il faut reconnaitre que les échanges permettent de dégager des consensus. L’idéale serait qu’à travers le cadre de l’APMP l’on puisse débattre des questions du pays, mais malheureusement il y’a pas eu. Toutefois, j’ai pris des initiatives comme la demande adressée au coordonnateur de l’APMP dans le cadre de ma participation aux assises de l’éducation et la tenue des échanges sur la situation de la nation avec le président du MPP. Mais cela est resté infructueux.

En dehors du cadre de concertation, j’ai voulu établir des rapports de proximité avec certains leaders du parti que je prends comme modèle pour leur ancienneté dans le domaine politique. Cela ne suffit pas toujours, car un cadre qui se dit fédératrice, ne saurait être une démarche individuelle mais collective pour permettre à la démarche d’avoir toute son importance. Les alliés devraient dégager des pistes de solutions communes et consensuelles.

Vous n’avez donc jamais été écouté par les leaders politiques de la majorité présidentielle ?

Je suis plus préoccupée par l’état de la nation et tout le monde est indigné. Quand on établit le bilan nous remarquons qu’il est sombre. Nous avons des combattants qui tombent aux champs d’honneur. De même, en tant que chef d’entreprise, mon activité est impactée par l’insécurité, nous avons des déplacés autour de nous, des familles endeuillées, des militants et des compatriotes qui sont dans le besoin. Ma préoccupation, c’est de parler de l’état de la Nation et de vérifier qu’il y a une concordance entre le programme du président et les actions menées mais je constate qu’il y a un gap.

 Quels sont vos rapports avec Zéphirin DIABRE ?

J’entretiens de très bon rapport personnel avec lui et avec tout le monde d’ailleurs. Je n’ai eu aucun incident ni avec les membres du parti, ni avec les membres d’un autre parti allié. Je n’ai pas affilié à l’APMP pour des rapports personnels. Nous nous engageons en politique pour défendre notre dignité, notre respectabilité et non pour des intérêts personnels. J’ai un parcours de 25 ans dans la profession d’assurance et en chef d’entreprise, je gagne bien ma vie. Je pense que, c’est ce que toute la population souhaite également : pouvoir se prendre en charge, être en sécurité, en paix et indépendant.

 Avez-vous un sentiment de regret après votre participation au parti de la majorité présidentielle ?

Le regret, c’est comme si j’attendais un profit personnel. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit.  Nous parlons de l’état de la nation. On constate qu’il n’y a pas une concordance entre le programme présidentiel et les résultats sur le terrain. Qui doivent correspondre aux besoins de la population à savoir la paix, la sécurité, le retour des déplacés dans leur localité, la reprise des activités économiques, la lutte contre la corruption et la justice pour tous. Cela est le motif du combat et de l’engagement politique du MRB.

La démission du MRB au parti la majorité présidentielle est-elle une déception ?

La déception renvoie à un sentiment personnel. Les aspirations de la population est le motif de notre engagement. J’ai été candidate à l’élection présidentielle. En voulant incarné le profil d’une femme d’Etat, c’est de servir l’intérêt général de la nation. En adhérant à l’APMP, notre objectif est de servir l’intérêt général mais aujourd’hui lorsqu’on fait le bilan, l’intérêt général est bafoué.

L’intérêt général n’étant pas servi, suite à votre démission à la majorité présidentielle, que comptez-vous faire à présent ?

L’éducation est notre combat. Eveiller les consciences de la population est notre combat. Ce qui nous offense aujourd’hui, c’est de voir l’inertie de certains de nos concitoyens qui n’ont pas encore pris la mesure du niveau de la gravité de la situation dans laquelle se trouve notre pays. Avec des attaques terroristes, des morts de combattants et de civils au quotidien, le nombre des déplacés qui accroit sans cesse, la vie chère, etc.

Susciter le sursaut patriotique et résoudre tous ces maux, est notre combat.

Nous déplorons le comportement, l’irresponsabilité de nos dirigeants car au lieu de s’attaquer aux terrorismes et redonner la paix, la sécurité aux populations et travailler au retour des déplacés dans leur localité, ils s’empennent à des citoyens qui sont en train d’exprimer leur mécontentement légitime. Si les partis politiques et les acteurs politiques n’en font pas suffisamment d’effort pour exercer leur contre-pouvoir sur le gouvernement, c’est au peuple de le faire.

Dans cette situation critique, il faut faire de la pédagogie. Il faut expliquer au peuple avec respect et considération ce qui se passe exactement. Ainsi, nous sommes en train de constater que désormais le Burkina Faso est devenu un état policier. Autant déclaré que nous ne sommes plus en Etat de droit.

Notre appel, l’appel du MRB à travers la communication que nous avons animé à l’hôtel Amiso, ce vendredi 21 janvier, c’est d’appeler la population à un sursaut patriotique dans l’intérêt supérieur de la mère patrie le Burkina Faso. Nous devons sortir de notre inertie criminelle, de l’attentisme criminelle et coupable. Lorsque la patrie est en péril, nul ne peut rester dans l’inconscience, l’insouciance, l’indifférence.

 Qu’est-ce que vous prévoyez faire ?

Nous avons déjà lancé notre mot d’ordre. Nous avons déposé une lettre auprès de la mairie pour informer notre manifestation qui commence le vendredi 28 janvier. Nous avons une plateforme revendicative autour de 5 points : la sécurité, le développement, l’éducation, la santé et la coopération. Nous manifesterons chaque vendredi jusqu’à la démission du président Kaboré.

 Est-ce que la démission du président Roch Kaboré est une solution

Oui, la démission de Roch Kaboré est une solution. Nous avons une population affligée par tout ce qui se passe dans notre pays. Il a suffisamment démontré qu’il est incompétent et son départ est une solution. C’est pourquoi nous allons appeler l’armée à s’associer à cette lutte. Lorsque la patrie est en péril, chaque civil devient un militaire et chaque militaire un civil. Pour cela, nous devons nous associer. Les FDS sont appelés à sauver la Nation. Nous avons proposé à l’armée à déclarer un pronunciamiento, c’est à dire de déclarer le gouvernement incompétent. Le pronunciamiento n’est pas un coup d’Etat. C’est une dénonciation par l’ensemble de la population que le président est incompétent. Unanimement, nous allons obtenir une démission du président sans morts, sans bavures.

Est-ce que vous avez foi que ce pronunciamiento sera entendu par l’armée.

Nous allons entendre et observer.

Vous appelez à l’intervention de l’armée pour susciter une alternative politique, que répondez-vous à ceux qui vous traiterons de putschiste

Le pronunciamiento est différent de coup d’Etat. Ce régime de Roch Kaboré est incompétent pour nous ramener la paix. C’est en appuyant sur ce résultat que nous demandons la démission du président. Le pronunciamiento se fait sans violence. Le cas atypique est le Mali lorsque les militaires ont fait une incursion dans la politique.

Mais l’immixtion de l’armée malien a été qualité de coup d’Etat pourtant ?

Le pronunciamiento vise à provoquer le plutôt possible une alternative dans l’ordre constitutionnelle. Nous appelons à une alternance pacifique.

Toutes les voies de recours démocratique sont-elles épuisées pour susciter une transition politique au Burkina Faso ?

Nous sommes au sein du MRB foncièrement républicain et démocrates, le pouvoir se gagne dans les urnes. Mais lorsque le pouvoir est incompétent, la patrie est dans une situation jamais égalité, le seul moyen pour sauver la patrie qui a déjà perdu ses 2/3 de sa superficie est de provoquer une alternative. Sinon on ne sera plus burkinabè avant la fin de ce régime.

Vous ne craignez pas un éternel recommencement avec la démission de Roch Kaboré ?

Nous avons une conviction. Nous avons une jeunesse qui a compris le jeu démocratique, nous avons de plus en plus, un éveil de conscience sur les questions politiques et de gouvernance, d’où l’ébullition et de manifestations de mécontentement et d’appel à la démission. En capitalisant sur ce regain d’intérêt et ce patriotisme, nous avions une plateforme déclinée sur 3 mois, 6mois, si d’ici là, il n’y a pas un changement de paradigme, cette situation ne peut plus perdurer. Ce qui nous manque, ce sont les hommes vertueux et honnêtes.

Notre constitution, un régime semi-présidentiel remet dans les mains du Président tous les pouvoirs, mais Roch les délèguent au Premier ministre qui est comptable de tout.

Le PF en délégant ses pouvoirs rend le premier ministre responsable de la gouvernance de la nation. Roch n’est donc responsable de rien. Il y’a un échec même au niveau législatif. Il y a des élus qui peuvent plus voir les populations qui les ont votés.

Quels sont vos relations avec Saran Séré Serémé ?

Je n’ai aucun rapport avec Mme Saran Séré Sérémé. Jusqu’à lors, elle était une présidente d’institution avec obligation de neutralité et pendant que moi, présidente du MRB était un parti allié au sein de l’APMP. Vous voyez qu’il n’y avait pas de possibilité d’échanger puisqu’elle exerçait une fonction l’obligeant à la neutralité.

Est-ce que vous pensez faire alliance avec elle dans les jours à venir ?

La base va aviser.  Nous avons déposé notre retrait et nous avons fait une déclaration officielle à la presse en appelant les frères et sœurs dans l’armée à prononcer un pronunciamento pour connaitre l’incompétence du gouvernement, l’incompétence du président Rock Mark Christian KABORE et l’appeler à la démission afin de provoquer une alternance démocratique dans notre pays.

Nous allons déposer notre plateforme avec une déclaration de manifester auprès de la mairie. La finalité de notre combat est de pouvoir fédérer avec toutes les intelligences, tous les patriotes engagés qui, aujourd’hui, affligées par la situation de la nation. Certainement sur ce front de lutte nous allons nous croiser mais pour l’instant, cela n’est pas prévu dans notre agenda, parce que nous avons notre planning à dérouler.

Vous parlez d’inertie générale en tant que femme politique, pensez-vous qu’aujourd’hui l’armée est la seule solution face à cette crise ?

L’armée est le seul corps dans toutes les nations malgré tout ce qu’on peut le reprocher, d’honneur et assez organisé qui peut remettre de l’ordre dans un pays.

De par l’expérience Burkinabé, l’armée s’est déjà initié Nfois dans la vie politique, pourquoi croyez-vous que cette fois-çi sera la bonne ?

Nous apprenons toujours davantage des épreuves.  Notre démocratie est en train d’accroitre en maturité et nous pensons qu’il n’y a pas que les gouvernants ou une seule composante de la société qui peuvent nous apporter le changement de paradigme. C’est la mobilisation de tout le peuple qui peut nous permettre d’opérer ce changement de paradigme.

Si l’armée répond à cet appel, l’armée sera soutenue par tous les citoyens. Plus de 10 millions de la majorité silencieuse va apporter son soutien. Cela fait partie de la démocratie et nous sommes en apprentissage, nous sommes sûr d’avoir assez appris de toutes ces tragédies.

Vous faites figure de l’une des rares femmes engagées en politique et de votre diagnostique de la jeune démocratie Burkinabé, Monique KAM restera-t-elle sur le terrain politique du Burkina Faso ?

Sachez que j’ai des sursauts d’inspirations et au quotidien je me bats pour défendre ma dignité, mon intégrité et Monique KAM a elle seule ne suffit pas, parce que j’ai une base, j’ai des militants autours de moi et nous avons le même idéal que nous défendons et c’est une lutte perpétuelle, un engagement, et un travail au quotidien. Nous allons continuer à défendre notre idéal de société, une société éduquée et consciente.

Entretien réalisé par

Bassératou KINDO

Harouna Drabo

Retranscription : Claudine Tiemtoré

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