Suspension temporaire des visas américains : Souveraineté et enjeux diplomatiques

La suspension temporaire de la délivrance des visas américains aux Burkinabè suscite une vague de réactions au sein de l’opinion nationale. Tandis que le gouvernement dénonce une « pression politique » liée à son refus d’accueillir des immigrés expulsés des États-Unis, les citoyens s’interrogent sur les conséquences diplomatiques, économiques et symboliques d’une telle mesure.
Le débat a été relancé après que le ministre en charge des Affaires étrangères a annoncé, le 9 octobre dernier, la délocalisation de la délivrance des visas américains vers Lomé, au Togo. Selon le gouvernement, cette suspension concerne essentiellement les visas touristiques et étudiants. Cette décision intervient dans un contexte diplomatique “tendu” entre les deux pays, à la suite du refus du Burkina Faso d’accueillir des immigrés illégaux expulsés des États-Unis.
Sur le terrain, les avis divergent. Pour certains, la mesure américaine constitue un coup dur pour les échanges dans tous les domaines.
« Beaucoup de Burkinabè voient dans les États-Unis une terre d’opportunités. Suspendre les visas, c’est freiner des échanges et envoyer un signal négatif », estime Titiama Sanou, entrepreneur.
Même analyse chez Moussa, qui rappelle que cette décision représente un fardeau financier et logistique supplémentaire pour les demandeurs de visa contraints de se rendre désormais au Togo. « Il y’aura sans doute des conséquences sur la migration des jeunes et sur des relations de partenariat côté opérateurs économiques sur les États-Unis et le Burkina. Mais pour moi c’est le prix à payer pour être égal à nous même« , a-t-il ajouté.

D’autres perçoivent cependant cette situation comme une opportunité de réaffirmation de la souveraineté nationale. Pour Naomie, cette suspension est une « décision injuste », mais elle invite le pays à « diversifier ses partenariats » au-delà des États-Unis. “Cette situation peut même être une opportunité pour le Burkina de se tourner davantage vers d’autres partenaires comme la Chine, la Russie ou les pays africains », déclare-t-elle.

Un avis partagé par Bénéwendé Kafando, comptable, qui voit aussi dans cette situation un levier pour encourager les jeunes à investir davantage au Burkina. ‘’ Vu la vision du régime actuelle on peut parler de fierté et légitimité politique puisque le gouvernement veut monter son estime de soi tout en refusant la pression ou du moins des décisions unilatérales qui que ce soit. Le gouvernement veut valoriser sa politique et se faire respecter partout dans le monde pour pouvoir apporter sa voix dans les différents forums internationaux », a-t-il indiqué.
Bêbê Kambou, étudiant, va plus loin : « Le Burkina pourrait appliquer la réciprocité comme au Mali pour se faire respecter ». Pour lui, les États-Unis ont autant besoin du Burkina que l’inverse, surtout dans le domaine économique.

Au cœur de cette tension diplomatique, le gouvernement burkinabè dénonce un « chantage » du président américain Donald Trump. Pour les autorités, accueillir des immigrés rejetés sans accord clair serait une décision « irresponsable » au regard des défis sécuritaires et socio-économiques du pays.
Malgré cette suspension, aucune rupture formelle de coopération n’a été annoncée entre Ouagadougou et Washington. Les visas restent accessibles, mais dans des conditions plus contraignantes.
« Le Burkina Faso restera une terre de dignité…Nous ne resterons pas indifférents », avait réagi le chef de la diplomatie burkinabè
Diane SAWADOGO/ MoussoNews



