Victime de viol : Dédé Rose Gloria Kouevi écrit pour guérir

Dédé Rose Gloria Kouevi est auteure de quatre romans. ‘’Parcours d’une femme battante’’ ce premier roman a été thérapeutique pour la jeune fille qui n’avait que le BEPC. Elle a été victime de viol lors de la mutinerie militaire à Bobo-Dioulasso. Aujourd’hui, guérie et remise de cette sombre histoire, Rose encourage les femmes à briser le silence sur les violences dont elles sont victimes. Interview

  • Qui est Dédé Rose Gloria Kouevi ?

Je suis écrivaine burkinabè, communicatrice, entrepreneure et présidente de la Fondation de Kouevi production. Au quotidien, je suis occupée par ‘’Kouevi production’’. Je suis également dans le domaine de l’événementiel, de la décoration au niveau des cérémonies de mariage, les pauses café mais surtout le livre.

  • D’origine togolaise mais née à Bobo Dioulasso, quand est-ce que vous arrivez à Ouaga ?

Je suis arrivée à Ouagadougou en 2016. A Bobo-Dioulasso, j’organisais un concours dénommé – ‘’Miss Inter-arrondissement à Bobo’’. Après deux éditions, j’ai été face à des contraintes financières. J’ai dû abandonner pour tenter de tout reprendre à zéro à Ouagadougou. Et je m’y suis installée en 2019.

  • Quel est votre cursus scolaire ?

Titulaire d’un BEPC, je suis enseignante de formation. J’essaie quand même de tirer mon épingle du jeu à travers mes vécus quotidiens et surtout ma combativité. Je n’ai pas suivi de formation à l’Université.

  • On va aborder un pan de votre vie assez complexe : Votre viol. Vous avez en effet été victime de viol il y a plus d’une dizaine d’année. Est-ce que vous pouvez revenir sur cet évènement ?

Cet évènement a été vraiment l’un des moments les plus durs et les plus difficiles de ma vie. C’est d’abord ma famille qui a voulu cacher l’histoire pour ne pas avoir le regard de la société sur elle. Puis moi-même à travers le traumatisme que j’ai subi, mais surtout le sentiment de colère de ne pas savoir qui m’a fait cet acte et comment identifier l’auteur ? J’en ai été profondément blessée tant dans l’âme que dans le corps. Ce drame a énormément joué sur ma vie sentimentale. Il m’arrive dans mes relations d’être replonger dans les années 2010 où l’évènement a eu lieu. Je suis parfois stressée, pensive et je me sens oppressée.

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Dédé Rose Gloria Kouevi appelle les femmes à briser le silence autour du viol
  • Avez-vous une idée du nombre de personnes qui vous ont violé ?

Je savais que ce n’était pas qu’une seule personne. Je ne connais pas le nombre et c’est une situation que je ne souhaite à personne. A l’idée de savoir que la famille voulait garder le silence alors que le feu brulait en moi m’amenait à me poser 1000 et une question sur le viol et les représailles qui devront s’en suivre.

J’ai été soumise à un traitement à ARV qui m’a bousculée. On avait fait le test de Sida et il fallait attendre 3 mois avant d’être rassuré. J’étais comme dans un autre monde. C’est vrai que je n’ai pas le VIH mais en prenant ces médicaments matin, midi, et soir, m’a trop choquée. C’est ce qui m’a amené à la littérature et j’arrivais uniquement à écrire les soirs avec des larmes. J’écris, j’écris, j’écris et finalement est né ‘’le parcours d’une femme battante’ ’ensuite ‘’Vengeance fatale’’, ‘’le dilemme’’ et enfin ‘’les larmes du désir’’.

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La première œuvre de l’auteure qui ouvert la voie de sa guérison
  • Aviez-vous quel âge au moment de l’évènement ?

L’événement s’est passé en 2010 lors de la mutinerie militaire. Je venais juste d’avoir mes 18 ans. J’étais assez jeune j’aimais l’école. Pourtant c’est ce drame qui a bousculé ma vie scolaire.  Fort heureusement ma mère était là, m’assurait que tout allait bien se passer. Elle a vraiment été là, toujours, et avec tant d’amour et de passion. Mon meilleur médecin a été ma maman.

  • Combien de temps après, avez-vous constaté que vous étiez enceinte ?

Trois mois après le drame.

  • Pourquoi vous avez décidé de garder la grossesse ?

A mon avis l’enfant est innocent. Un enfant ne demande jamais qui est son père qui est sa mère. On ne doit pas juger un enfant selon le comportement de ses parents.

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L’enfant est archi-innocent des actes que les grandes personnes commettent. Cet enfant est aujourd’hui ma fierté et ma bénédiction. Pour elle je donnerais ma vie et je l’aime plus que tout.

  • Mais est-ce que à un moment donné lorsque vous avez appris la grossesse, vous avez eu l’envi d’avorter ?

J’avoue que non.  Je me suis dit que cela doit être le plan de Dieu parce que je suis très croyante.  Ce drame m’a forgé et m’a permis d’être cette femme forte aujourd’hui. Dans la vie, il faut toujours passer par des obstacles pour grandir, pour essayer de sortir la tête de l’eau. Peut-être que c’était ma destinée il fallait passer par là pour être à la littérature, pour avoir un cœur, pour être défenseur des femmes. Peut-être que s’il n’y avait pas eu ce viol vous n’allez même pas rencontrer Dédé.

  • Vous parlez justement de ce viol à visage découvert, n’avez -vous pas peur du regard de la société ?

Aujourd’hui on ne parlera pas de Rose comme étant la fille violée dans le passé.  On parlera de Rose comme celle qui a su mener ce combat au nom de toutes les femmes. J’essaie d’aider la jeunesse, mes sœurs qui sont dans cet état de crise en leur disant que ceci n’est pas une fin en soi. Au contraire on doit le surmonter. C’est très difficile mais on doit essayer de gravir les échelons et de s’en sortir grandie.

  • Est-ce que vous avez connaissance des filles qui ont été victimes de violence ?

Oui j’en connais. Souvent d’autres se confient à moi et on essaie de bavarder. Mais beaucoup ne parlent pas, beaucoup restent renfermées et surtout par la peur du regard des gens. Moi, personnellement, je suis passée à autre chose. Celui qui veut me juger par le passé n’aura rien compris. Il faut être avec Rose pour savoir réellement qui je suis et aussi pour savoir ce que je peux donner qui n’a rien à voir avec mon passé.

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Aujourd’hui je l’ai dit fièrement, je remercie les gens qui m’ont violé parce qu’ils m’ont fait. Je les remercie, ils ont été vraiment l’élément déclencheur de ma foi à vaincre et à croire. Je sais que Dieu aussi ne m’a pas abandonné. Pour moi ce n’est plus une honte. Au contraire tout ce que je peux faire c’est m’ouvrir à d’autres femmes afin de leur amener à quitter ces ténèbres et d’essayer de reprendre le chemin de la lumière.

Saviez -vous qu’il y a une loi qui autorise les cas d’avortements de viol selon la loi ?

Oui j’en connais. J’ai été suivie à l’hôpital du Jour à Bobo-Dioulasso. J’ai eu à échanger avec une femme blanche qui était en son temps directrice de l’ABBF. Mais cela n’a jamais été une envi pour moi d’ôter la vie.

Et si vous faites face à une jeune fille qui a été victime de viol et qui veut avorter, quels seront les conseils que vous lui donnerez ?

Le viol est quelque chose de très difficile. Très difficile. On est salie et souillée. Il y a des moments où tu as juste envie de te donner la mort. Tu as envie de tout casser autour de toi. On a plus même envie de regarder son propre corps. Mais je dis toujours aux victimes de viol que nous restons des femmes. Des femmes fortes. Et nous devons garder l’espoir. Il faut surtout avoir le courage de dénoncer. Il y’a toujours des cas de viols, parce qu’il y’a un silence absolu. Il me sera difficile de dire à une victime de viol d’avorter puisque moi-même je ne l’ai pas fait.

Comment avez-vous vécu votre grossesse ?

Ça a été une étape très traumatisante parce que on m’a fait le cépeccunum à l’hôpital Sourou Sanou. C’est un appareil qu’on introduit dans le vagin pour aspirer le sperme. Je l’ai subi et c’est très douloureux. Cela m’a même donné un dégoût du sexe entre temps mais aujourd’hui je suis arrivée à une étape de ma vie ou je me dis que si les femmes ne parlent pas, qui le fera ? Je ne parle pas pour les beaux yeux mais je parle pour la génération à venir et je parle pour toutes ces femmes qui sont dans ce silence. Peut-être qu’en témoignant, on peut toucher à la sensibilité des hommes. Moi 10 ans en arrière, si on me demandait cette interview, je ne vous l’aurais jamais accordée. Ce n’est pas une faiblesse, au contraire, je dirais que c’est une force et c’est mon combat aujourd’hui. C’est ça qui m’amène vraiment à aimer les femmes, à aimer les enfants et surtout à me battre pour que les femmes soient heureuses dans la vie.

Avez-vous un projet de mettre en place une association des victimes de viol qui ont décidé de garder leurs bébés ?

Je voulais même donner le nom de ma fille à cette organisation. Je suis sur ça, mais j’ai encore d’autres projets qui me prennent un peu le temps.  

Interview réalisée par Bassératou KINDO/MoussoNews

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