Ziniaré : Fati Sawadogo, laveuse de motos, de voitures, des camions et même des citernes

Moto, voitures, camions, citernes, machines…, peut importe la nature ou la taille de l’engin, Fati Sawadogo lave tout. Habitante de Ziniaré, dans l’Oubritenga, cette mère de famille mariée avec 4 enfants, évolue depuis 2 ans dans un métier, que beaucoup considère être exclusivement masculin. Souvent au sommet d’un camion, elle frotte, attise l’étonnement et l’admiration des passants.
Sous un soleil ardent, les éclaboussures d’eau se mêlent au bruit des moteurs. Au milieu de ce vacarme, Fati Sawadogo s’affaire, chiffon à la main, concentrée sur une voiture. Rien ne semble pouvoir la distraire de son travail. Depuis deux ans, cette femme de Ziniaré s’est donnée pour mission de faire briller motos, voitures, et même des camions citernes. Pour elle, il n’existe aucun métier réservé uniquement aux hommes.

L’histoire de Fati commence avec son fils, qui travaillait dans un lavage appartenant à quelqu’un d’autre. Voyant que le garçon n’était pas rémunéré à sa juste valeur, elle a décidé, avec ses modestes moyens, de lui offrir une machine à laver. « Mon mari disait qu’il n’avait pas assez d’argent. J’ai donc cumulé 3 mois de mon salaire de nettoyage pour acheter la machine à laver », confie-t-elle. Mais à la rentrée scolaire, son fils devait abandonner l’activité pour se concentrer sur ses études. Plutôt que de laisser la machine à l’abandon, Fati prend la relève. Depuis, elle ne l’a plus quittée.

Par jour, elle peut laver jusqu’à une dizaine de motos et plusieurs voitures. « Hier, j’ai lavé quatre motos et quatre voitures », raconte-t-elle. Le tarif varie selon le type d’engin : 250 F pour une moto, 1000 F pour une voiture, et jusqu’à 5000 F pour une citerne. Ce travail, qu’elle exerce avec passion, lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. « Ce métier vaut mieux que de rester à la maison sans rien faire », affirme-t-elle.

Mais au-delà du lavage, Fati Sawadogo est une véritable touche-à-tout. Elle fait du nettoyage les matins, tisse des sacs qu’elle revend, vend du bois et du charbon devant sa porte. Ses multiples activités lui valent parfois des jugements. « Mes voisines disent souvent que c’est mon mari qui me donne l’argent, mais je les contredis. Je leur dis que c’est le fruit de mon travail », dit-elle.

Fati revendique haut et fort son indépendance et incite les femmes à en faire autant. « Depuis je suis petite, je n’ai jamais eu peur de travailler. Même construire une maison je l’ai fait au village, j’aidais les hommes, à mélanger le ciment, à faire des briques », déclare-t-elle fièrement.
Hervé Kientega, est un fidèle client de Fati. Quand il est de passage, il n’hésite pas à confier la propreté de sa voiture à Fati. Intérieur et extérieur, il reprend toujours son engin avec une grande satisfaction. « La première fois, j’étais venu voir des amis dans les parages, et j’ai demandé à ce qu’on vienne prendre ma voiture pour laver. A ma grande surprise, c’est une dame », explique-t-il.
« Quand elle est venue, je ne me suis pas opposé, j’attendais seulement de voir le résultat final. Je vous assure que j’ai apprécié le rendu. Elle l’a bien lavé l’extérieur comme l’intérieur », ajoute-t-il.
Dès lors, Hervé Kientega est devenu un fidèle client de Fati, et n’hésite pas à lui laisser souvent des pourboires. « Si c’est 1000 F, je lui donne 5000 F et je lui dis de garder la monnaie. C’est ma manière de l’encourager. J’appelle à tous ceux qui peuvent l’encourager à le faire », lance-t-il.
Rasmata Taonsa (nom d’emprunt), une autre cliente de passage, partage le même enthousiasme. Originaire de Ouagadougou, Rasmata confie toujours la propreté de sa moto à Fati quand elle est de passage à Ziniaré. A ses dires, elle ne repart jamais déçue, toujours satisfaite et impatiente de revenir.
Malgré les remarques décourageantes et provocateurs, Fati garde le sourire. Elle se souvient d’une scène marquante. « Un jour, j’étais en haut d’une citerne en train de laver. Il y’a un homme qui passait sur sa moto, il m’a regardé pendant longtemps et fini par faire demi-tour. « Madame, fait pardon et cherche toi un travail et laisse ça aux hommes », c’est ce qu’il m’a dit ce jour. J’ai souri et je lui ai demandé doucement de me dire ce qu’on appelle travail de femme. Quand il m’a vu déterminée, il m’a juste souhaité bon courage et partir », raconte-t-elle avec un rire au coin.

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Pour Fati Sawadogo, le travail est la clé de la dignité et de la liberté, de ses dires il est inconcevable qu’une femme ne fasse rien de ses dix doigts. « Je dis toujours aux femmes, ne restez pas à ne rien faire. Ne comptez pas uniquement sur vos maris. Même si le métier paraît insignifiant, faites-le. C’est mieux que de dépendre de quelqu’un d’autre. Imaginez monsieur sort et revient sans rien pour vous, vous allez commencer à vous plaindre, ayez au moins pour vous, s’il ne vous donne pas, tant pis, vous pouvez vous prendre en charge », conclut-elle.
Diane SAWADOGO/ MoussoNews



