Wendlassida Lydie Ilboudo est chauffeure mécanicienne automobile depuis 2022. Seule fille dans une équipe de plus de 20 hommes dans un garage à Ouagadougou, Lydie tient fermement en main ses clés de réparation de véhicules légers et son destin.

Assise au pied d’un véhicule en panne, Wendlassida Lydie Ilboudo retire patiemment une pièce usée. Elle porte un gilet bleu par-dessus sa tenue semi-uniforme de mécano, des baskets et ses tresses, ornées de perles discrètes, sont soigneusement attachées vers l’arrière pour ne pas gêner ses mouvements. Elle est de taille moyenne, silhouette svelte, teint noir et une énergie calme qui émane de ses gestes et de ses paroles.
Wendlassida Lydie Ilboudo est une chauffeure mécanicienne automobile depuis 2022. Elle repart tout type de véhicules légers : Toyota, Hyundai, Nissan, Kia, Audi, Mercedes… Mais avant d’arriver là, il a fallu convaincre.
Des débuts semés d’embûches
Rien ne prédestinait Wendlassida Lydie Ilboudo à la mécanique automobile sauf sa curiosité.
Tout commence après le BEPC en 2017. Elle décroche une bourse pour une formation en mécanique automobile, qu’elle poursuit de 2018 jusqu’en 2020. Titulaire d’un Brevet de Qualification Professionnel (BQP) et d’un CAP, elle intègre le garage de B. Valentin depuis 2022. Pourtant, le chemin jusqu’à l’atelier n’a pas été sans embûches. « J‘ai choisi la mécanique depuis petite, je voulais comprendre comment les choses fonctionnent. Démonter, réparer, remonter… ça me fascinait », se rappelle-t-elle.
Dans l’atelier où elle travaille depuis 2022, elle fait bien plus que réparer. Elle conduit, diagnostique les pannes, va chercher les pièces, livre les voitures.
La journée de Wendlassida Lydie Ilboudo débute dès 8 heures, parfois sans heure fixe de fin. Et malgré les horaires instables et les regards sceptiques, elle reste debout. « Ce n’est pas facile, surtout quand on est une femme. D’autres disent que je n’ai rien à faire dans la mécanique. J’accepte beaucoup de choses parce que je me suis décidée à apprendre la mécanique. Il y a les moqueries, les jugements. Même dans ma propre famille, on me disait que je ne tiendrais pas, que je ne pourrai pas tenir une clé… Mais rien de tout cela ne fonctionne avec moi, je me suis décidée et je compte aller jusqu’au bout », explique-t-elle fermement.
Son choix audacieux pour la mécanique n’a pas toujours été. Sa famille, d’abord réticente, a mis du temps à accepter sa vocation. Mais sa volonté est tenace. « Mon frère disait que j’allais finir par tout laisser tomber pour me marier. Que je devrais poursuivre avec le BAC. Mais le jour de son mariage, il n’avait pas de véhicule et c’est moi, avec une voiture de notre garage, qui ai mis le carburant moi-même et suis allée chercher sa femme au village, et les ai conduits tous les 2 à l’église ; depuis ce jour, il me respecte », témoigne-t-elle souriante, fièrement.
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Pour Mahamadi Kaboré, chef de garage adjoint, Lydie règle toutes sortes de pannes et n’est plus considérée comme une jeune femme. « Ici, nous sommes pareils, elle fait les mêmes tâches que les hommes. Elle a prouvé ses compétences et fait ses preuves, qu’elle continue de persévérer, elle est sur la bonne voie », exprime le chef adjoint du garage où travaille la jeune Lydie.

Un choc inoubliable, une épreuve qui marque à vie…
Un jour, en pleine mission dans un village à Boussé, la RAV4 que conduisait Lydie prend feu sous ses yeux. Sans outils, seule, elle garde son calme, marche des kilomètres pour chercher de l’eau, alerte ses collègues. « J’ai eu peur, mais j’ai tenu jusqu’à ce que des collègues quittent Ouaga pour venir me secourir avec des outils de rechange et autres », raconte-t-elle.
Ce jour-là, elle a prouvé à toute son équipe qu’elle est bien plus qu’une apprentie, surtout pour B.Valentin, son employeur. « Elle est venue en tant que stagiaire, mais actuellement elle est plus qu’une stagiaire, elle est devenue membre de mon garage. Au début ça n’a pas été facile, mais à l’heure actuelle, elle fait partie de mes meilleures. De nos jours il faut de la volonté dans tous métiers, sinon, quel que soit ce que tu voudras faire, tout sera toujours négatif. Qu’elle reste toujours courageuse ; tout paie dans la vie. Si elle-même compare ses débuts à maintenant, elle doit être fière. Même si c’est 10 garçons, elle leur tient tête », a-t-il apprécié.

Sa détermination est nourrie par les encouragements des clients et de parfaits inconnus. « Dans la rue, des gens me voient en tenue, ils m’arrêtent et me disent : Tu es courageuse, continue ! Ça me touche plus que tout », affirme-t-elle d’une voix émotive.
Une mécanicienne, mais aussi une entrepreneure
En parallèle, Lydie fait de la décoration événementielle, recycle des objets en articles décoratifs et revend du matériel venu de Chine. Une polyvalence née de la nécessité de se créer plusieurs sources de revenus.
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Dans cinq ans, Lydie se projette à la tête de son propre garage, formant d’autres jeunes filles à la mécanique. « Je veux transmettre ce que j’ai appris, leur montrer qu’on peut y arriver même si on est une femme. Qu’elles avancent avec courage », avoue-t-elle.

Chauffeure mécanicienne automobile et entrepreneure, Lydie est membre de l’association Éclat Féminin dans les métiers pratiques. Aux jeunes filles, elle ne cesse de les encourager. « Si une fille veut faire de la mécanique, qu’elle ne regarde ni à gauche ni à droite. Qu’elle se fixe un objectif. Et surtout, qu’elle laisse le gros cœur de côté. Il faut savoir encaisser, apprendre, avancer. Un jour, les mêmes qui te critiquent viendront te féliciter », conseille-t-elle.
Lydie n’a pas encore trente ans. Elle n’a pas d’enfants. Mais elle a une vision, des objectifs solides. Et dans cette vision, il y a des garages pleins de femmes fortes, des moteurs bien réglés et un avenir qui tourne rond.
Annick HIEN/MoussoNews