À la paroisse Saint-Guillaume de Tanghin, l’une des plus grandes églises du Burkina, il est difficile d’imaginer que derrière la brillance des carreaux et la fraîcheur de l’air ambiant, se cache le travail acharné d’une seule femme. Délicia Yaméogo, 47 ans, mère célibataire de trois enfants, se consacre depuis 2021 à l’entretien quotidien de ce lieu sacré, sans attendre ni salaire, ni reconnaissance. Un engagement né d’une révélation spirituelle.
S’occuper de la propreté de l’église est, pour Délicia Yaméogo, une réponse à l’appel du Seigneur.
Quand on lui demande pourquoi elle consacre sa vie à nettoyer l’église sans même recevoir un centime, Délicia répond simplement : « Le Saint-Esprit me l’a révélé ». A l’écouté, l’on se croirait dans un film chrétien, dont elle tient le rôle principal.
Tout a commencé par un simple emploi. Une bonne volonté de l’église avait fait recours à une société de nettoyage pour s’assurer de sa propreté et cela pendant un délai donné. Et c’est ainsi que Délicia Yaméogo et ses collègues ont commencé à nettoyer l’église de la Paroisse Saint Guillaume de Tanghin, situé au secteur 17 de Ouagadougou. Grâce à ce travail rémunéré à 25 000 FCFA le mois, elle pouvait se permettre de payer son loyer, répondre à ses besoins et ceux de ses enfants.
A un moment donné, le contrat prend fin, Délicia était désormais au chômage. Avec l’habitude qu’elle avait pris pendant l’engagement avec la société de nettoyage, elle a expliqué, qu’elle se cachait de temps en temps pour continuer le nettoyage des lieux même sans rien percevoir. Mais elle fini par abandonner face à certaines situations contraignantes.
Et puis, il y eut ce rêve. Une nuit, en songe, elle raconte avoir vu le Saint-Esprit l’emmener devant l’église. « Il m’a montré l’État dans lequel se trouvait l’église. Dans mon songe, j’ai effectivement vu une assemblée priant et aussi de la poussière partout et même sur le chœur dans lequel se trouve l’autel », raconte-t-elle.
C’est depuis cette révélation, qu’est née sa vocation : Rendre l’église éclatante, un temps paisible pour adorer son Seigneur.
Le cœur à l’œuvre, les mains dans la poussière
Depuis lors, Délicia y nettoie sans relâche, du lundi au samedi. Dès 4h du matin, elle balaie et lave la chapelle d’adoration, une salle de prière située au sein de la paroisse. À 14h, elle revient pour s’occuper du chœur, la partie réservée aux prêtres et aux servants de messe et enfin le Calvaire, un autre lieu de recueillement pour les fidèles catholiques.
À coups de balai, de serpillière et avec une gestuelle minutieuse, elle nettoie chaque recoin du lieu saint en lui redonnant son éclat. Une scène devenue familière pour les premiers fidèles, qui la croisent souvent.
Difficultés, engagement incompris…, un quotidien souvent amer, mais laisse paraitre des lueurs d’espoir et d’encouragements.
Délicia Yaméogo, vit présentement avec sa dernière fille de 4 ans, dont elle doit s’en charger sans une aide masculine. Sans boulot rémunéré, vivant en location, elle se doit de trouver des solutions à elle seule. A ces défis s’ajoutent, les dénigrements de certains fidèles. “ Des fidèles chrétiens me disent souvent des méchancetés, malgré le travail que j’abat ici. D’autres trouvent que je ne suis pas normale de me consacrant à un tel boulot sans rien recevoir en retour. Cinglés, des injures…, j’en passe”, raconte-t-elle amèrement laissant glisser un brin de larmes.
Elle révèle aussi avoir été plusieurs fois agressée quand elle se rendait à l’église. “ Plusieurs fois, des brigands m’ont arrêté. Au début, je me rendais à l’église à 2h du matin, pour nettoyer vite et permettre la messe de 5h45 minutes. Après m’avoir fouillé et rien trouvé, ils me laissaient partir”, relate-t-elle. Elle ajoute avoir aussi été interpellée par les Forces de l’ordre, qui lui ont mis en garde, de ne plus circuler à pareille heure.
Malgré ses difficultés, arrêter le travail, n’est pas dans ses projets futurs. “ J’ai déjà eu une fracture au bras, cela ne m’a pas empêché de continuer à nettoyer, à répondre à l’appel de Dieu. Abandonner le nettoyage n’est pas une option pour moi, ni à court terme, ni à long terme”, dit-elle confiante et déterminée.
Ses efforts ne sont pas vains. Même si certains voient son engagement de mauvais œil, il n’en est pas le cas pour certains.
“ L’église reconnait mes efforts. Je remercie beaucoup certains fidèles qui m’encouragent. Le Curé de la paroisse, n’hésite pas à me soutenir à travers des dons en espèces et en nature, surtout à l’approche des fêtes”, lance-t-elle reconnaissante.
Bien au-delà des murs de l’église, l’élan de solidarité a gagné de la distance. Suite à une publication Facebook, sur le travail acharné de Délicia Yaméogo, au sein de la paroisse, des bonnes volontés n’ont pas hésité à faire parler leur cœur.
L’église est bien fière d’elle et de ses accomplissements…
Vincent de Paul Kaboré est un membre du Service de Communication de la Paroisse. C’est grâce à lui, qu’une femme battante est connue aux yeux de tous. Derrière la publication qui a soulevé une solidarité remarquable envers Délicia, il a tenu à faire une révélation. “Suite à la publication, un FDS au front m’a contacté. Il a félicité Délicia et m’a demandé un numéro pour apporter une contribution. Il lui a envoyé une somme de 2000 CFA, tout en demandant de prier pour eux qui sont sur le champ de bataille”, a-t-il indiqué. En plus du FDS, il a aussi révélé qu’une autre bonne volonté a envoyé de l’argent, modeste soit-il comme soutien à l’amazone du nettoyage.
Rose Pélagie Oubda, Sacristine de la Paroisse fait aussi partie de ceux qui trouvent en Délicia une femme dévouée. « Le travail, elle le fait avec dévotion. On sent l’amour du métier quand elle est en action. Délicia est la définition de la femme battante. Je souhaite, que ces actions ne soient pas vaines. Ses enfants récolteront le fruit de ses actes”, a-t-elle souhaité.
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Ses enfants, sa priorité
» Même si un jour, j’arriver à me trouver un autre travail, je n’abandonnerai jamais le nettoyage de l’église », tranche t-elle.
Délicia ne souhaite recevoir que la bénédiction divine. Toutes ses attentes, elle veut les voir se refléter sur sa progéniture. “ Tout mon souhait est que Dieu bénisse mes enfants. Je veux que le bénévolat que je fais ici, ait un retour positif sur mes enfants. Je veux les voir grandir et pouvoir prendre soin de moi”, a-t-elle souhaité.
Diane SAWADOGO/ MoussoNews
