Prendre son destin en main. Pour Awa Cissé, ce n’est pas une formule creuse, mais une trajectoire de vie. Comptable de formation, entrepreneure par nécessité et par conviction, elle est aujourd’hui la promotrice de Dakan Service International, une entreprise née de la douleur, de l’injustice, mais surtout d’un déclic. Elle vend du tout: motos, tricycles, pneus, motos, produits alimentaires, équipements lourds. PNUD, UNICEF, PAM, HCR…Ce sont autant d’ONG a qui elle a proposé ses services.

Dakan Service International n’est pas qu’une dénomination commerciale. Dakan signifie Destin est un symbole fort pour Cissé Awa alias femme d’affaire. « Comme chaque femme mérite les outils nécessaires pour créer, communiquer et diriger », explique Awa.
À l’origine, l’entreprise s’articulait autour de 3 domaines : l’imprimerie, l’informatique et la biotique. Mais comme dans tout parcours entrepreneurial, la réalité rattrape vite les ambitions. Faute de moyens financiers et de marché, l’entreprise est contrainte de se réinventer.
Aujourd’hui, Dakan Service International est devenue une structure multiservices : motos, vélos, matériel électrique, produits alimentaires, produits d’entretien, fournitures de bureau, matériel informatique, matériel roulant, équipements divers…« On m’appelle Madame trouve tout parce qu’on vend un peu de tout », sourit-elle.

Derrière le sourire, l’épuisement
Avant l’entrepreneuriat, Awa était comptable dans une entreprise. Un emploi sans reconnaissance, miné par les retards de paiement, parfois jusqu’à 6 mois sans salaire.
Chaque jour, elle parcourait 42 kilomètres pour travailler. Elle envoyait des marchés, décrochait des contrats, mais restait impayée. Parfois, on lui promettait un pourcentage… qui ne venait jamais. « À un moment, tu te demandes si c’est l’entreprise de ton père », dit-elle, amère.

Le marché de trop
Le déclic de quitter l’entreprise viendra d’un marché qui aurait dû être une victoire. Awa se bat pour l’obtenir, face à des concurrents moins chers. Elle propose 7 000 là où d’autres sont à 4 500. Le client, touché par son engagement, finit par céder. « Si je ne te donne pas ce marché, Dieu va me punir », raconte t-elle en souriant.
Mais à son retour d’un congé, le marché n’est pas exécuté. Le client est furieux… non contre elle, mais contre son employeur. Honte immense, respect perdu. Ce jour-là, quelque chose se brise.
“Pourquoi ne pas te tuer pour toi-même ?”
De retour chez elle, Awa craque. Elle interroge sa petite sœur aussi son assistante. « Dis-moi franchement… est-ce que je suis maudite ? », demande t-elle.

La réponse est un électrochoc. « Si tu es capable d’aller chercher des marchés pour quelqu’un, pourquoi ne pas te battre pour toi-même ? ». Cette phrase change tout. Awa jure alors de ne plus jamais travailler pour quelqu’un.
Naître avec l’argent des études
La même semaine, elle crée Dakan Service International. Elle est déjà prestataire en assistance comptable et fiscale, capable de créer des entreprises. Faute de moyens, elle prend une décision radicale : elle utilise le million de francs CFA destiné à sa scolarité de Master 2 pour constituer le capital social de sa SARL. « De toute façon, un gros diplôme sans bon travail, ça ne sert à rien », s’est -elle dit à cette époque.
Depuis 2022, Awa peinait à avoir des marchés malgré des dizaines de dossiers déposés, aucune consultation de l’État, pas même pour des stylos. « Sans relations, tu ne peux pas avoir de marchés publics. C’est une triste réalité pour les jeunes entreprises », dénonce -t-elle. Face à ce mur, Awa change de stratégie. Elle se tourne vers les ONG.
Le PNUD, la lumière au bout du tunnel

Découragée, prête à abandonner, elle ose pourtant soumissionner. En effet, son premier marché a été celui du PNUD, en mai 2024. D’une valeur de 9 120 000 FCFA, Awa devrait fournir de électroménager. « Ça m’a permis de croire à mes capacités », reconnait-elle.
Selon Awa, gagner un marché n’est qu’une étape. Encore faut-il exécuter sans fonds.
Elle avait réussi à avoir le marché du PNUD mais n’avait aucun fond pour l’exécuter. C’est là qu’intervient un client, qu’elle avait toujours servi avec honnêteté. Sans garantie, sans même savoir où elle habite, cet homme lui fait confiance et lui remet 14 millions de FCFA en 2 chèques, sans intérêt ni condition. « J’ai pleuré. Je me suis demandée si c’était un homme ou un ange », dit-elle les larmes aux yeux.
Après le PNUD, viennent l’OMS, le HCR, le PAM, l’UNICEF à qui elle a osé faire une soumission à 2 600 vélos pour l’UNICEF sans certitude de gagner.
Une entreprise portée par des femmes
Aujourd’hui, Dakan Service International travaille majoritairement avec des femmes, sous forme de contrats ponctuels, au gré des marchés. En effet, Awa et son équipe livrent elles-mêmes, parfois dans des zones reculées : Dori, Fada, Diabo, Bagassi, Baskouré, Pompoy…
Des livraisons de vélos, tricycles, pneus, motos, produits alimentaires, équipements lourds. À l’entendre, souvent, la surprise est totale quand les bénéficiaires découvrent que ce sont des femmes.

Oser, même sans tout savoir
Dans sa quête de marchés continue, Cissé Awa ose même soumissionner à 3 lots simultanés auprès du HCR, dont un qu’elle ne maîtrise pas au départ. Elle se renseigne, apprend, monte ses dossiers. Résultat: « Vous êtes la seule à avoir fourni tous les documents. Nous vous attribuons les 3 lots », se rappelle t-elle de leur réponse.
À jeune génération, Awa ne vend pas de rêve. Elle prévient avec fermeté : Entrepreneuriat sans financement, banques frileuses, marchés verrouillés, jeunes livrés à eux-mêmes. Son conseil est radical. « Quand tu entreprends, mets dans ta tête que tu es orphelin », prévient-elle.
Entrepreneure aguerrie, assistante comptable en fiscalité, Awa Cissé a plusieurs projets pour son entreprise Dakan Service International.
Annick HIEN/MoussoNews




