#InstantDiasporaBurkinabè : Du Burkina aux chantiers américains, Olivier Silwanne Kologo veut bâtir entre 2 mondes

Originaire du Burkina Faso, Olivier Silwanne Kologo s’est forgé un parcours exceptionnel aux États-Unis, où il exerce aujourd’hui comme Assistant Chef de projet en gestion de construction. Parti en 2016 sans maîtriser l’anglais, il a dû surmonter les barrières linguistiques, les discriminations et les défis d’un système éducatif étranger. Grâce à sa persévérance, il a décroché un Bachelor en Construction Engineering et s’est imposé dans un secteur aussi exigeant que stratégique. Passionné par l’impact concret des infrastructures sur les communautés, Olivier rêve de mettre son expertise acquise aux États-Unis au service du développement du Burkina Faso, notamment à travers des projets innovants et durables.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et revenir brièvement sur votre parcours depuis le Burkina Faso jusqu’aux États-Unis ?
Je suis Olivier Silwanne Kologo, originaire du Burkina Faso et je vis actuellement aux États-Unis où je travaille dans le domaine de la gestion de projets de construction. Mon parcours a été semé d’embûches. En 2016, à mon arrivée dans un lycée américain, je ne parlais pratiquement pas anglais et j’ai dû m’adapter à un nouveau système éducatif, tout en faisant face à des discriminations et des défis personnels. J’ai aussi été assistant de prof dans toute les matières dans un lycée et en même temps professeur de français préparant les élèves pour un examen de l’Etat qu’on appel AP French. Je suis donc membre du département de l’éducation de New York. Tout ça pendant que je partais à l’Université en temps plein et faisais des certifications dans le domaine de la construction..
Malgré cela, j’ai persévéré et terminé deuxième de ma promotion, décroché une bourse, puis obtenu un Bachelor en Construction Engineering après quatre années de lutte acharnée, incluant la pandémie, les difficultés liées à l’apprentissage en ligne, et même une suspension temporaire à cause de mon refus initial de me faire vacciner contre la COVID-19. Aujourd’hui, je poursuis une deuxième formation et travaille en tant qu’Assistant Chef de projet dans la construction.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous orienter vers le domaine de la construction et plus particulièrement la gestion de projet ?
Mon choix pour la construction vient d’une passion profonde pour la transformation des espaces et l’impact visible qu’on peut avoir sur une communauté. Ayant grandi au Burkina Faso, un pays en plein développement, j’ai vu de mes propres yeux à quel point les infrastructures manquent dans certaines zones. Je voulais donc faire partie de ceux qui bâtissent des écoles, des routes, des logements, de grandes structures telles que des immeubles de pointe avec une technologie avancée– bref, des fondations pour un avenir meilleur. La gestion de projet m’a attiré car c’est un rôle stratégique qui permet de coordonner les efforts, d’optimiser les ressources et de livrer des ouvrages utiles, dans le respect des délais et des budgets.
En quoi consiste concrètement votre rôle d’assistant de projet dans la gestion de construction ?
En tant qu’assistant de projet, j’assure le suivi de chantier, je participe à la planification, à l’analyse des coûts, à la gestion des sous-traitants, et à la coordination entre les différentes parties prenantes – clients, ingénieurs, architectes et ouvriers. Je m’occupe aussi de la documentation, du respect des normes de sécurité et de l’actualisation des plannings. C’est un rôle dynamique où l’on apprend énormément, en étant constamment entre le terrain et le bureau.
Quelles compétences techniques et humaines sont indispensables pour réussir dans ce métier ?
Sur le plan technique, il faut maîtriser les logiciels comme Revit, Bluebeam, AutoCAD etc…, et les plateformes de gestion de projet comme Procore, Kahua, RSMeans… Une bonne compréhension des plans de construction, des normes de sécurité, ainsi qu’une capacité à estimer les coûts et les délais est essentielle.
Sur le plan humain, il faut de la résilience, de la communication, de l’organisation, et surtout de la patience. La capacité à travailler sous pression et à résoudre les conflits est également cruciale, car les projets impliquent souvent des imprévus.
Comment s’est passée votre intégration académique et professionnelle aux États-Unis ? Avez-vous rencontré des obstacles particuliers ?
Mon intégration a été très difficile au début. Ne parlant pas anglais, j’ai été recalé d’une classe et j’ai subi des humiliations à l’école, à une période où j’étais encore en deuil. À l’université, la pandémie a bouleversé ma scolarité. J’ai dû me familiariser seul avec des plateformes complexes, affronter des cours en ligne peu adaptés à mon style d’apprentissage, et même interrompre mes études pendant un semestre à cause de mon refus initial de me faire vacciner.
Mais avec de la détermination, de l’aide de quelques professeurs, et un travail acharné, j’ai non seulement validé mes cours avec d’excellentes notes, mais j’ai aussi été récompensé par une entreprise internationale du secteur de la construction.
Quelle est la différence la plus marquante que vous avez constatée entre le secteur de la construction aux États-Unis et celui du Burkina Faso ?
La différence la plus marquante, c’est la technologie. Aux États-Unis, presque tout est digitalisé : modélisation 3D, suivi de chantier en temps réel, outils d’optimisation. Il y a aussi une forte culture du respect des normes, des délais et de la sécurité. Au Burkina Faso, bien que les compétences soient là, les moyens technologiques, financiers et humains restent limités. Il y a moins d’outils numériques et beaucoup de chantiers fonctionnent encore de manière artisanale. Le secteur est en croissance, mais il reste encore un fort besoin d’investissement, de formation et de structuration.
Pouvez-vous partager une expérience ou un projet sur lequel vous avez travaillé et dont vous êtes particulièrement fier ?
Actuellement, parmi les projets sur lequel je travaille, le projet de rénovation d’un immeuble construit dans les années 30 me vient en tête pour répondre à cette question. Un chantier complexe: remplacement de poteaux porteurs, gros travaux dans le sous-sol, et des aménagements lourds comme une piscine intérieure à venir et des vestiaires. Les risques sont élevés, notamment en termes de stabilité structurelle et de sécurité, mais c’est aussi une vraie école. Ce type de projet demande une grande coordination entre les ingénieurs, les architectes et les équipes terrain. C’est un défi, mais une fierté d’en faire partie.
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Quels sont les plus grands défis dans la gestion de projets de construction aux USA ?
Les plus grands défis sont liés à la coordination entre les parties, au respect strict des délais et à la gestion des imprévus. Aux États-Unis, la pression est constante pour livrer à temps, tout en respectant des normes de qualité très élevées. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée et les fluctuations des prix des matériaux constituent aussi des défis majeurs. Enfin, il y a la nécessité d’être constamment à jour sur les évolutions technologiques et réglementaires.
Comment l’évolution des technologies transforme-t-elle votre métier ?
Les technologies transforment radicalement notre façon de travailler. Par exemple, l’utilisation du BIM (Building Information Modeling) permet de visualiser un projet en 3D avant même de commencer la construction. L’intelligence artificielle permet d’optimiser les plannings, d’anticiper les risques et même de suivre la consommation de matériaux. Les drones, les capteurs IoT, et les plateformes collaboratives comme Procore, RSMeans rendent la gestion plus efficace. C’est un gain de temps, d’argent et de précision.
Gardez-vous un lien fort avec le Burkina Faso ? Si oui, sous quelle forme ?
Oui, je garde un lien très fort avec le Burkina Faso, notamment à travers ma famille, mais aussi via des projets d’avenir. Je suis en contact avec des professionnels du bâtiment, des jeunes étudiants, et je souhaite contribuer à des initiatives de formation et de construction durable dans le pays. Je réfléchis aussi à des collaborations techniques entre les deux pays.
Selon vous, comment l’expérience acquise aux États-Unis peut-elle contribuer au développement du secteur de la construction au Burkina Faso ?
L’expérience acquise ici peut être transposée pour améliorer l’efficacité des projets au Burkina Faso. Je pense notamment à l’introduction de logiciels de gestion de chantier, à la formation de jeunes techniciens, et à la mise en place de procédures qualité plus strictes. L’idéal serait de développer des centres de formation technique modernes, adaptés au contexte local mais inspirés des standards internationaux.

Quels conseils donneriez-vous à un·e jeune Burkinabè qui souhaite poursuivre une carrière dans la gestion de projet ou la construction à l’étranger ?
Je lui dirais : n’aie pas peur des difficultés. Il y en aura, surtout au début. Apprends, persévère, pose des questions, cherche des mentors. Même si tu arrives dans un système totalement différent, crois en toi, sois curieux, utilise chaque obstacle comme un tremplin. Les résultats viennent toujours avec le temps, le travail et la foi. Et surtout, n’oublie jamais tes racines.
Quels sont vos projets ou ambitions professionnels pour les prochaines années pour le Burkina Faso ?
Je souhaite à moyen terme créer un cabinet de conseil ou une entreprise de construction au Burkina Faso, axée sur l’innovation et la durabilité. Je veux aussi partager mes compétences à travers des programmes de mentorat ou de formation pour jeunes passionnés par la construction. L’objectif final est de contribuer à bâtir un Burkina moderne, structuré, et tourné vers l’avenir.
Interview réalisé en ligne par Annick HIEN/MoussoNews