Elsi Florida Ouédraogo est une Burkinabè vivant au Bénin. Elle y effectue un stage dans le domaine de l’eau, de l’assainissement et des aménagements hydroagricoles. Se formant à l’extérieur, elle rêve de rentrer au pays et de mettre en œuvre ses projets prometteurs pour la jeunesse.
Présentez-vous à nos lecteurs.
Je suis Elsi Florida Ouédraogo, ingénieure spécialisée dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et des aménagements hydroagricoles. Passionnée depuis toujours par les questions liées à l’accès à l’eau, à la justice environnementale et à l’innovation, j’ai choisi de pousser plus loin ma réflexion et mes compétences en intégrant un Master Professionnel en Hydro-informatique au Centre d’Excellence d’Afrique pour l’Eau et l’Assainissement (C2EA), basé au Bénin.

Ce master représente pour moi bien plus qu’un simple parcours académique : il est le reflet d’une vision, celle d’un avenir où le numérique est mis au service de solutions concrètes dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, en particulier en Afrique.
Actuellement, je poursuis un stage de recherche au sein de l’Institut National de l’Eau du Bénin, sur le thème : « Productivité de l’eau et outils d’analyse pour l’amélioration des performances agricoles ». Ce stage me permet de combiner théorie et pratique, tout en contribuant à des travaux de recherche utiles pour le développement durable.

Au-delà des titres et des fonctions, je suis avant tout une jeune femme engagée, animée par le désir profond d’apporter des réponses concrètes aux défis liés à l’eau, à l’assainissement et à la résilience climatique au Burkina Faso et en Afrique de l’Ouest. Cette bourse de distinction que j’ai obtenue pour poursuivre mes études ici au Bénin représente pour moi une reconnaissance, mais aussi une responsabilité envers mon pays et envers toutes les jeunes filles qui rêvent de faire entendre leur voix dans des domaines techniques encore trop souvent masculins.
Depuis combien de temps vivez-vous au Bénin ?
Cela fait bientôt deux ans que je vis au Bénin. Ce séjour marque une période riche en apprentissages, en découvertes culturelles et en expériences humaines.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous installer dans ce pays ?
J’ai choisi de venir au Bénin après avoir été sélectionnée pour une bourse d’excellence au C2EA. C’est un véritable honneur et une responsabilité, car ce programme prestigieux est destiné à former des leaders techniques dans les domaines de l’eau et de l’assainissement.
Mon objectif était clair : acquérir des compétences de pointe, notamment en hydro-informatique, afin de contribuer au développement de solutions innovantes dans mon pays d’origine.
Vie au Bénin : comment s’est passée votre intégration ?
L’intégration n’a pas toujours été facile, mais elle a été enrichissante. La différence culturelle se fait surtout ressentir dans le régime alimentaire : les mets béninois sont très épicés, ce qui m’a demandé un certain temps d’adaptation !
Mais au fil des mois, j’ai appris à apprécier cette diversité culinaire ainsi que la gentillesse et la solidarité du peuple béninois.
Ce qui m’inspire le plus ici, ce sont les femmes béninoises, très combatives, qu’on voit travailler sans relâche, même sous un soleil accablant, parfois avec un enfant dans le dos. Leur bravoure me touche profondément.
Avez-vous rencontré des difficultés à vos débuts ?
Oui, comme toute personne en mobilité, les premiers mois ont été marqués par quelques chocs culturels, des démarches administratives complexes et surtout la nécessité de m’adapter à un nouvel environnement. Mais ces défis m’ont permis de grandir, de m’ouvrir davantage et de renforcer ma résilience.
Parcours professionnel : Qu’est-ce que vous faites au Bénin ? Et comment vous vous en sortez ?
Actuellement, je réalise un stage de recherche sur le thème : « Évaluation de la productivité de l’eau sur le périmètre irrigué du barrage de Bagré au Burkina Faso ».
Cette recherche mobilise des outils numériques pour mieux comprendre et optimiser l’usage de l’eau dans l’agriculture irriguée, un enjeu crucial pour la sécurité alimentaire dans notre sous-région.
Ce n’est pas toujours évident, car cela demande rigueur, autonomie et beaucoup de recherches. Mais je m’en sors avec détermination, entourée d’enseignants et d’experts très impliqués.
Comment vous sentez-vous dans ce domaine dans un pays étranger ? Si mal, auriez-vous voulu le faire au Burkina ?
Je me sens à ma place, même si l’environnement est différent. Travailler dans un pays étranger m’a permis d’avoir du recul, de me confronter à d’autres réalités et d’acquérir une ouverture d’esprit précieuse.
Cela dit, j’aurais aimé que cette opportunité de formation spécialisée soit disponible aussi au Burkina, car nous avons les talents et les besoins. Ce serait idéal que des programmes aussi pointus puissent se développer sur place, pour que davantage de jeunes y aient accès.
Y a-t-il des similitudes entre le Burkina et le Bénin ? Si ou lesquelles ?
Oui, absolument. Nos deux pays partagent des valeurs culturelles communes, comme le respect des aînés, le sens de la communauté et la solidarité. Sur le plan institutionnel, nous faisons aussi face à des défis similaires en matière de gestion de l’eau, d’agriculture et de développement urbain.
Tout comme au Burkina, ici au Bénin, les femmes sont des piliers incontournables dans la société !
Gardez-vous un lien fort avec votre pays ?
Oui, je garde un lien très fort avec le Burkina. Mon projet de recherche porte d’ailleurs sur une zone stratégique de mon pays, ce qui me permet de rester connectée aux réalités locales.
Je reste également en contact avec ma famille, mes amis, mes anciens encadreurs et d’autres jeunes engagés dans les domaines de l’eau et de l’assainissement. Mon engagement est avant tout orienté vers le retour et la valorisation des acquis au service de mon pays.
Que pensez-vous de la contribution de la diaspora pour le développement du Burkina ?
Je ne prétends pas tout connaître de la dynamique de la diaspora burkinabè, mais je pense qu’il y a des efforts en cours et des améliorations notables. De plus en plus de jeunes formés à l’étranger souhaitent revenir et s’impliquer, ou contribuent à distance à travers des projets, des transferts de compétences ou des investissements.
Cependant, il est important de créer davantage de passerelles entre les talents de la diaspora et les initiatives nationales, afin de structurer cet engagement et le rendre plus visible et durable. Le potentiel est immense.
Envisagez-vous de revenir au Burkina ? Ou retour définitif ?
Oui, c’est une évidence pour moi. J’ai choisi de me former à l’étranger pour mieux servir mon pays. Une fois mon mémoire achevé, mon souhait est de revenir m’installer durablement au Burkina afin de mettre en pratique ce que j’ai appris et de contribuer activement aux défis de l’eau, de l’agriculture et de la planification territoriale.
Quelles sont vos ambitions si un jour vous revenez au pays ?
Mon retour au Burkina s’inscrit dans une volonté claire de reprendre et de développer des initiatives sociales et éducatives que j’ai temporairement mises en pause durant mes études. L’un de mes projets phares est la relance de « La Semaine de l’Autodidacte », qui vise à promouvoir l’apprentissage autonome, l’innovation locale et la créativité des jeunes Burkinabè.

Je rêve également de créer un programme de mentorat pour les jeunes filles dans les filières scientifiques et techniques. Mon objectif est de leur offrir des repères, de la confiance et un accompagnement concret, afin qu’elles puissent, à leur tour, oser et réussir.
Quel est le message que vous voudriez adresser à la jeunesse burkinabè qui veut tenter l’aventure à l’étranger ?
Je partage ici mes réflexions personnelles, en tant que sœur et compatriote, car je suis convaincue que la jeunesse burkinabè est déjà profondément consciente de ses forces et de ses défis. Partir à l’étranger peut être une formidable occasion d’apprentissage et d’ouverture, à condition de garder une vision claire et un objectif ancré.
N’oubliez jamais d’où vous venez, ni pour qui vous vous levez chaque matin. La vraie richesse ne réside pas dans le pays d’accueil, mais dans ce que vous choisissez d’en faire pour impacter positivement votre communauté.
Osons rêver. Osons apprendre. Osons échouer, nous relever… Et surtout, osons revenir pour bâtir. Chaque pas à l’étranger peut devenir un tremplin vers une contribution forte, sincère et utile pour notre chère patrie.
Interview réalisée en ligne par Diane SAWADOGO/ MoussoNews