Ingénieur, chercheur, entrepreneur, enseignant et créateur de contenu, Wendinkonté Fabrice Cédric Sawadogo incarne une jeunesse burkinabè tournée vers l’innovation. Installé en France depuis 7 ans, il œuvre dans la recherche appliquée à l’IA au sein du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), tout en développant des solutions technologiques concrètes pour le Burkina Faso à travers son entreprise Wendinkonté & Pingdwendé AI Consulting (WP AI Consulting).

Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis Wendinkonté Fabrice Cédric Sawadogo, ingénieur en intelligence artificielle, chercheur au Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) dans le cadre de mon Doctorat en Intelligence Artificielle appliquée aux géosciences à l’Université de Bordeaux, enseignant vacataire à 2iE, entrepreneur et créateur de contenu. Je suis cofondateur de Wendinkonté & Pingdwendé AI Consulting (WP AI Consulting), une entreprise technologique basée au Burkina Faso.
Je suis aussi passionné d’aéronautique, actuellement en formation pour obtenir ma licence de pilote privé (PPL). J’aime explorer de nouveaux horizons, qu’ils soient scientifiques, technologiques ou aériens. Mon objectif est clair : mettre la technologie au service du développement de l’Afrique, avec des solutions concrètes, utiles et réalistes.
Depuis combien de temps vivez-vous en France ?
Depuis sept (07) ans
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous installer dans ce pays ?
Je suis venu en France dans une logique de poursuite d’études supérieures, avec l’envie de me former dans un environnement exigeant, stimulant, et à la hauteur des ambitions que je portais pour ma carrière. J’ai vu dans ce pays une opportunité d’accès à des ressources scientifiques avancées, des réseaux internationaux, et un cadre de recherche structuré.
Je suis convaincu que cette formation dans un tel environnement représente aussi une valeur ajoutée pour mon pays, car elle me permet d’acquérir des outils et des réflexes que je peux adapter, transmettre et mettre au service du développement du Burkina Faso.

Vie en France : comment s’est passée votre intégration ?
Mon intégration en France s’est construite progressivement, au fil des années. Elle a nécessité de l’adaptation, un apprentissage des codes culturels, et une certaine endurance émotionnelle. J’ai été confronté aux réalités classiques de l’expatriation, mais je suis resté concentré sur mes objectifs : réussir académiquement, évoluer professionnellement, et garder un lien fort avec ce qui me motive profondément.
J’ai pu suivre des formations de haut niveau, travailler dans des environnements exigeants comme Airbus et le BRGM, intégrer des réseaux scientifiques internationaux et développer des projets innovants. Je me suis approprié les ressources disponibles tout en restant fidèle à ma trajectoire.
Aujourd’hui, je peux dire que je me suis bien intégré dans l’environnement français, sans pour autant perdre de vue qui je suis et pourquoi je suis là.
Avez-vous rencontré des difficultés à vos débuts ?
Évidemment. Isolement, démarches administratives, chocs culturels… mais j’ai vite compris que ces épreuves faisaient partie du processus. Elles m’ont forgé et m’ont rendu encore plus déterminé à construire quelque chose de solide.
Parcours professionnel : que faites-vous en France ? Et comment vous en sortez-vous
Je suis chercheur au BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), le service géologique national de la France, qui est une référence mondiale dans l’exploration du sous-sol et l’expertise minière. J’y travaille sur l’application de l’intelligence artificielle à l’exploration des ressources naturelles souterraines.
En parallèle, je suis enseignant vacataire à 2iE – Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement, une école d’ingénieurs internationale de renom en Afrique francophone.
Je suis aussi cofondateur de WP AI Consulting, que j’ai fondé avec mon ami, frère et associé Régis GANGO – un partenaire fidèle, visionnaire et engagé. Notre entreprise est partenaire officiel de 2iE, et nous sommes en cours de développement de nouveaux partenariats avec d’autres acteurs académiques, industriels et institutionnels, au Burkina et ailleurs.
Nous proposons :
- Des solutions IA concrètes adaptées aux données de nos pays africains
- Des formations IA & numérique pour les jeunes et les professionnels
- Du matériel technologique
- Des projets comme ORIENTAI, notre IA d’orientation académique intelligente, que nous sommes actuellement en train de proposer à la DGCOB (Direction Générale de la Coordination de l’Orientation et des Bourses), ex CIOSPB ainsi qu’au ministère de l’Enseignement supérieur, pour accompagner des milliers de jeunes dans leur orientation de manière personnalisée et efficace.
Ce projet est porté en grande partie grâce au travail de notre ingénieure IA, un talent local formé entièrement au Burkina, Eulalie THIOMBIANO.
Notre équipe incarne notre vision : faire confiance aux compétences formées localement, et leur donner les moyens de transformer notre avenir.
Qu’est-ce qui vous a orienté vers ce domaine ?
Parce que l’IA est un accélérateur de développement, notamment dans des secteurs comme les mines, où elle permet d’optimiser la prospection, d’analyser les données souterraines à grande échelle et de mieux exploiter nos ressources naturelles. Bien utilisée, elle peut aider nos pays à prendre des décisions plus justes, valoriser stratégiquement leurs richesses et créer des outils locaux puissants.
Je veux que l’Afrique crée ses propres technologies, maîtrise ses données géo scientifiques et développe des solutions adaptées à ses défis miniers, énergétiques et économiques, pas qu’elle se contente de consommer celles des autres.
Comment vous sentez-vous dans ce domaine dans un pays étranger ?
Je travaille dans un milieu de très haut niveau, où la compétition est constante, les standards sont élevés, et où l’on attend rigueur, innovation et autonomie à chaque instant. Ce contexte m’a poussé à me dépasser intellectuellement et professionnellement, et je m’y sens pleinement à ma place.
Quelles ont été les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que Burkinabè dans ce secteur ?
L’un des plus grands défis est de concilier mes travaux de recherche très exigeants avec la gestion quotidienne de WP AI Consulting.
Travailler à distance avec une équipe basée au Burkina n’est pas non plus simple. Il faut savoir garder la dynamique, motiver, suivre les dossiers tout en acceptant de ne pas tout contrôler. Heureusement, je peux compter sur la ténacité et l’implication constante de mon associé Régis Gango, qui porte l’opérationnel avec une rigueur et une loyauté qui m’inspirent chaque jour.
Enfin, il y a cette difficulté silencieuse mais réelle : garder le lien avec le pays sans y être physiquement. C’est un travail émotionnel permanent, mais aussi une source de motivation puissante.
Gardez-vous un lien fort avec votre pays ?
Oui. Même à distance, je n’ai jamais vraiment quitté le Burkina dans mon cœur ni dans mes engagements. J’essaie de rester enraciné, actif, et utile à ma manière.
J’ai lancé Le Garba Chaud, un petit restaurant à Ouaga. Ce n’est pas un grand projet, mais c’est une façon simple, concrète et sincère de créer un espace de vie, d’emploi et de partage dans un quartier que je connais. C’est aussi une manière de dire : « On peut contribuer, même de loin, même petit. »
Je poursuis aussi plusieurs projets avec WP AI Consulting, qui est bien implantée au Burkina. À travers cette structure, je participe à des initiatives locales, je collabore avec des institutions, et je fais de mon mieux pour rester dans la dynamique tech et IA du pays, comme si je n’en étais jamais parti. J’essaie de bâtir des ponts entre ce que j’apprends ici et ce dont on a besoin là-bas.
Sur LinkedIn, je m’engage régulièrement dans des discussions sur l’intelligence artificielle, la jeunesse africaine, l’entrepreneuriat et la souveraineté numérique. C’est un espace où je m’efforce de partager, dénoncer, valoriser et inspirer. C’est ma manière d’interpeller les consciences, susciter des déclics, et rester connecté au débat public.
Et puis il y a TikTok, où je suis suivi par plus de 140 000 personnes, dont 80 % de Burkinabè. J’y raconte des histoires paranormales et mystiques, inspirées de notre culture locale. Derrière ces récits effrayants ou drôles, il y a un objectif profond : transmettre des messages, éveiller l’attention des jeunes, les amuser, mais aussi les sensibiliser. C’est un pont culturel, un langage accessible, un outil pour créer du lien là où on ne l’attend pas toujours.
Que pensez-vous de la contribution de la diaspora au développement du Burkina ?
Elle est essentielle. Mais elle doit être plus active, plus stratégique et plus exigeante. On ne peut pas se contenter de transferts d’argent. Il faut transmettre les compétences, créer des entreprises, accompagner des projets structurants. C’est notre responsabilité.
Envisagez-vous de revenir au Burkina ? De manière définitive ?
Oui. Pas par défaut, mais par vision. Je veux préparer un retour utile et à fort impact, en continuant à travailler sur les grands enjeux technologiques de l’Afrique et du monde.

Quelles sont vos ambitions si vous revenez au pays ? Avez-vous pensé implanter votre entreprise au Burkina ?
Je préfère parler d’évolution progressive de mes engagements plutôt que de tracer des lignes trop rigides entre ici et là-bas. L’avenir n’est jamais figé, mais je sais une chose : le Burkina occupe une place centrale dans ma trajectoire, et il continuera de le faire.
Dans cette dynamique, plusieurs pistes se dessinent naturellement. D’un côté, je poursuis un travail de recherche sur l’IA appliquée à l’exploration des ressources naturelles qui pourrait, à terme, ouvrir la voie à des collaborations techniques et stratégiques avec des institutions ou des acteurs nationaux. Le potentiel est là, les besoins sont réels, et je suis prêt à contribuer dès que l’occasion sera propice.
Par ailleurs, WP AI Consulting, déjà implantée au Burkina, continue de se développer avec l’ambition d’apporter des solutions concrètes, adaptées et locales. Nous avançons étape par étape, dans une logique de construction durable et de création de valeur sur le long terme.
Enfin, la transmission fait partie de mes priorités. Si les conditions le permettent, j’aimerais enseigner ponctuellement ou durablement dans les universités burkinabè. Former, encadrer, et contribuer à élever le niveau de compétences localement me semble aussi essentiel que de développer des produits ou des solutions.
Quel est votre message à la jeunesse burkinabè qui veut tenter l’aventure à l’étranger ?
Ne partez pas pour fuir. Partez pour apprendre. Pour construire. Pour vous transformer. Et si vous partez, ayez un plan. Un vrai. Formez-vous, apprenez et un jour, revenez, ou envoyez vos projets, vos idées, vos solutions. Mais ne tournez pas le dos à votre pays. Le Burkina Faso a besoin de vous. Pas plus tard. Maintenant.
Interview réalisée en ligne par Annick HIEN/MoussoNews