#InstantDiasporaBurkinabè| « L’intégrité et la rigueur caractérisent le Burkinabè » Lionel Doh, financier à BNP Paribas

Lionel Doh, 32 ans vit à Paris en France depuis 11 ans. Au sein du groupe BNP Paribas, il occupe le poste de responsable de sélection des fonds d’investissement alternatifs dans la gestion de fortune. Financier de formation, Lionel murit de projets d’investissements pour le Burkina Faso.

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  • Présentez-vous à nos lecteurs ?

Je me nomme Lionel DOH, j’ai 32 ans, marié et bientôt papa. Je suis né le 17 décembre 1990 à la maternité Sainte-Camille à Ouagadougou. Je vie en France depuis bientôt 11 ans. J’aime les voyages, le basketball et le tir sportif. Je suis Financier et j’occupe le poste de responsable de sélection des fonds d’investissement alternatifs dans la gestion de fortune au sein du groupe BNP Paribas.

  • Quel est votre parcours universitaire ?

Après mon baccalauréat, j’ai intégré une université américaine afin d’y étudier l’économie et de parfaire mon anglais pendant une année. J’ai ensuite intégré l’ESG (Ecole Supérieur de Gestion) d’abord à Abidjan jusqu’à mon Bachelor, puis à Paris jusqu’à mon MBA en Finance de Marché et en contrôle des risques financiers.

Par la suite, j’ai intégré HEC Paris pour un executive MBA en stratégie d’entreprise et en implémentation stratégique au sein d’une entreprise.

J’ai également passé la certification CFA (Chartered Financial Analyste) délivrée par le CFA institute.

  • Qu’est-ce qui vous a amené en France ? Vous y êtes depuis quand ?

La France et moi, c’est une longue histoire. J’y ai souvent passé mes vacances étant enfant et j’ai même une partie de ma famille qui vit ici depuis plusieurs décennies. De plus, étant attiré par les études en Finance de marché, partir à l’étranger s’est imposé comme un choix. J’ai souhaité donc le choix du cœur, la France, afin d’y poursuivre mes études et de me rapprocher de ma famille. J’y réside de façon permanente depuis 11 ans.

  • Comment été votre intégration ?

L’intégration s’est bien passée dans son ensemble connaissant déjà assez bien le territoire et ayant de la famille et des amis.

Cependant vivre dans un pays et y passer quelques semaines dans l’année présente des différences. Il a donc fallu s’adapter à l’art de vivre et au stress parisien. Cela a nécessité un temps d’adaptation.

  • Quel poste avez-vous occupé avant d’intégrer BNP Paribas ?

Durant ma dernière année d’étude, j’étais en alternance au sein de la Banque Transatlantique en qualité d’assistant gestion de portefeuilles.

J’ai intégré tout de suite après le groupe BNP d’abord en qualité d’analyste de performance puis de gérant de portefeuille sous mandat de gestion (Private portfolio manager) et depuis juin 2022, je suis passé responsable de la sélection des fonds alternatifs.

  • Aujourd’hui à Alternative Funds Picker-Private Portfolio à BPN Paribas, comment l’opportunité s’est présentée à vous ?

L’opportunité s’est présentée assez « naturellement ». Étant dans le service, j’ai postulé à l’offre à la suite d’un départ à la retraite. J’ai ensuite passé tous les entretiens de rigueur avec d’autres prétendants avant d’être sélectionné pour le poste.

  • Quels sont vos challenges au quotidien ?

Les challenges au quotidien sont nombreux. Avec mon équipe composée de 7 personnes, nous gérons 20 milliards d’euros. Cette somme provient des investissements de nombreux clients particuliers. La gestion signifie l’investissement de ces sommes dans des supports d’investissements (actions, obligations, immobilier, métaux précieux, pétrole…). Le but est de générer le maximum de rentabilité pour les clients en fonction de leur espérances et projets.

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Il faut donc trouver au quotidien de nouvelles idées d’investissements rentables, s’assurer que nos clients perdent le moins d’agent possible surtout en période de crise et que leurs investissements sont conformes à leur niveau de risque

  • Quelle expertise burkinabè apportez-vous à cette entreprise ?

Clairement l’intégrité, la rigueur et la grosse capacité de travail qui caractérise nos concitoyens. Après tout ne sommes-nous pas la patrie des hommes intègres ?

Vous l’aurez compris, ces caractéristiques, j’allais même dire ces valeurs susmentionnées sont très importantes dans mon métier. Nos clients nous font confiance en nous confiant leur patrimoine, charge à nous d’être à la hauteur de gérer au mieux.

  • Est-ce que vous faites face à des préjugés en tant que noir africain ?

J’aurai aimé répondre non mais malheureusement cela m’est arrivé à maintes reprises. Quand vous êtes noir et cadre dans une grande structure en France, cela peut en surprendre plus d’un même si heureusement les mentalités évoluent positivement et que cet état de fait temps à se normaliser.

De plus de part mon métier je suis amené à côtoyer un milieu de personnes très fortunés. Certaines d’entre elles sont très ouvertes et juste curieuses. Cependant d’autres peuvent émettre des doutes, et même de la méfiance sur vos capacités et vos compétences.

Cela est souvent frustrant, mais les résultats aidant, ces doutes finissent par se dissiper.

J’ai également la chance d’être dans un grand groupe qui met en avant la diversité et l’inclusion et cela aide également.

Lire aussi: #InstantDiasporaBurkinabè : « L’avenir se trouve en Afrique », Namketa Savadogo – Mousso News

  • Avez-vous des projets pour le Burkina ou au Burkina ?

Le Burkina a connu une vague de traders qui ont ébranlé la confiance de nos concitoyens lorsqu’il s’agit d’investissements financiers. Ce qu’il faut retenir, c’est que la Finance ne se résume pas au traduing. Il existe la gestion de portefeuille qui est la Finance du temps long, des analyses, de la rigueur et de la gestion des risques. Cette Finance-là est celle la fructification du patrimoine et de la concrétisation des projets à moyen long terme.

C’est cet aspect de la Finance que j’espère un jour renforcer dans notre pays. Le moyen reste à affiner (il est encore trop tôt pour en parler.) mais l’objectif est d’apporter des solutions d’investissement, de développer une culture financière et j’espère de susciter des vocations.

En attendant, nous avons fondé une association nommée la Cordée du Faso dont le but est de faire des dons à des personnes qui en ont besoin (orphelinats…).

  • Quand comptez-vous rentrer définitivement au pays ?

Pour être honnête cette question n’est pas à l’ordre du jour pour l’instant. En attendant, j’emmagasine le maximum d’expérience professionnelle afin de répondre sereinement présent le moment venu.

  • L’Europe ou même la France est parfois vu comme l’Eldorado. Vous le confirmer ?

Je pense que le terme Eldorado est trop souvent galvaudé. Pour ma part, je définis l’Eldorado comme l’endroit ou vous vivez en harmonie avec vous-même et où vous pourrez réaliser vos projets personnels et professionnels dans l’épanouissement le plus total. Cela étant dit, la situation géographique n’a que peu d’importance finalement.

Tout ne doit pas donc forcément être ramené au niveau de vie ou à une culture donnée.

Il est vrai que pour l’instant ma vie est épanouie en France, mais ce n’est pour autant que la vie est forcément plus rose ici et qu’il n’y a pas d’autres possibilités ailleurs.

Nombre de nos concitoyens nous le prouve tous les jours avec de très belles réalisations au Faso.

  • Que direz-vous à un jeune qui n’a comme conviction d’avoir un meilleur avenir qu’en Europe ?

Je lui dirai que l’Europe n’est pas la solution à tous les manquements que nous avons en Afrique. Sans me poser en donneur de leçon, ces mêmes manquements sont des opportunités. Charge à la jeunesse de les saisir et de les exploiter.

Je lui dirai qu’il faut apprendre à oser et à envisager toutes les possibilités sans prismes et avec l’ouverture d’esprit la plus large possible.

Je lui dirai de se demander pourquoi de nombreux expatriés burkinabés finisse par rentrer au pays.

Je lui dirai que l’or est souvent dans son jardin et pas forcément dans un village éloigné.

Enfin, je lui dirai qu’on sait toujours ce que l’on quitte, mais jamais ce que l’on va trouver.

  • Est-ce que vous déconseillé de venir en France ?

Je ne dirai pas cela personnellement. Ma vie ici suit sereinement son cours. Cependant, je pense que la France n’est pas la solution à tout car il y a aussi ici des problèmes sociaux, et même économique que l’on peut retrouver dans de nombreux pays. Par exemple, la France a un taux de chômage de 7.1 %. Cela peut paraître faible, mais aux Etats-Unis, nous sommes plutôt à 3.4 %.

La France a également l’un des taux d’imposition les plus élevé au monde.

Lire aussi: #InstantDiasporaBurkinabè | « Lorsque j’ai quitté le Burkina (…), je pensais déjà au jour où je reviendrais servir mon pays », Kalifa Sankara – Mousso News

À cela, nous pouvons rajouter la dégradation des services publics avec des coupes budgétaires dans des domaines comme l’administration publique ou encore la santé… Et la percée de l’extrême droite aux élections.

Sans tomber dans la délation ou dans une analyse économique, venir en France doit se faire à mon avis en âme et en conscience et dans un but précis, mais pas parce qu’il s’agit de la seule option possible.

  • Quelle l’histoire ou le fait qui vous a le plus marqué pendant cette aventure française ?

Vivre ici m’a fait réaliser à quel point de nombreux Français en savent peu sur leur histoire. Beaucoup oublient que la France a été un empire qui a imposé son modèle social et culturel à ses colonies. Que son économie florissante s’est en grande partie faite au détriment d’autres peuples. Que la liberté si chère à leur cœur s’est gagnée au prix du sang de bon nombre de tirailleurs venus de tout l’empire…

Ils oublient que la vague d’indépendance s’est faite dans les années 1960, donc pas si lointain.

Ayant du mal avec cette réalité certain ont du mal à tolérer la présence de noirs ou encore d’arabes en France et préfère versés dans des discours xénophobes et « identitaire » oubliant que l’histoire de ce pays fait partie de son identité.

Entendre ce type de discours est le fait qui m’a le plus marqué.

  • Le Burkina fait aujourd’hui face à une insécurité qui endeuille au quotidien. Comment accueillez-vous ces informations en étant loin de la patrie ?

C’est d’autant plus dure avec la distance. Car à tous ses sentiments que nous pouvons tous ressentir (colère, injustice…) se mêle l’inquiétude, et même de la frustration parfois quand des attaques touchent votre village par exemple ou une localité où vous avez des amis.

Pour ma part, je n’aimerais pas que le pays sombre dans des amalgames en visant et en accusant une ethnie. Ce genre de marginalisation perdure souvent pendant très longtemps et peut entraîner une spirale de la violence.

Je suis également avec beaucoup d’attention les succès de notre armée et j’ai confiance en sa capacité et à la volonté du chef de l’état de renverser la vapeur.

  • Quelle peut être la solution pour renforcer la cohésion sociale et le vivre-ensemble au Burkina ?

Une arme redoutable pour moi est la parenté à plaisanterie. Capitaliser sur ce mode de communication devrait aider à renforcer la cohésion sociale et le vivre-ensemble au Burkina.

Je pense aussi que les cours de civisme donné à nos enfants devraient servir ce dessin. Il faudrait emmener les futures générations à vivre en cohésion dans ce pays qui est le leur malgré leur différences ethniques, religieuses, politique…

  • Quel est votre rêve pour la femme burkinabè ?

Mon rêve pour la femme burkinabé tient en un mot : égalité. Je pense que les mentalités ont beaucoup évolué, mais que de nombreuses choses reste à faire pour atteindre l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

J’aimerais voir encore plus de femmes, entrepreneurs, encore plus de femmes à des postes à responsabilités.

Une femme burkinabé épanouie et qui peut réaliser de grandes choses sans barrières ou préjugés liés à son genre, sans craintes ni jugements.

Interview réalisée en ligne par Bassératou KINDO

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