Le groupe Ecobank soutient l’égalité genre pour une Afrique sans paludisme

L’Afrique ploie sous le fardeau du paludisme. En 2021, le continent a enregistré 95 % des cas et 96 % de décès liés à la maladie dans le monde. Cette endémie plombe le développement social et économique des populations.  Les femmes et les enfants sont les plus vulnérables. Le groupe Ecobank est la locomotive de la mobilisation des entreprises pour l’élimination du paludisme sur le continent à travers l’initiative « Zéro Palu ! Les entreprises s’engagent ». Dans cet entretien accordé à Mousso News, la Directrice des opérations de la fondation du groupe Ecobank, Élisa Desbordes-Cissé expose les motivations du groupe, sa vision sur le rôle crucial des femmes et ses actions spécifiques relatives à l’égalité genre comme stratégie de riposte pertinente pour l’élimination du paludisme en Afrique. 

Le groupe Ecobank soutient l’égalité genre pour une Afrique sans paludisme 2

La Fondation Ecobank est la branche dédiée à la Responsabilité sociale d’entreprise du Groupe Ecobank, le premier groupe bancaire panafricain. Elle concentre ses interventions dans les domaines de la santé, de l’éducation et l’autonomisation financière.

Harouna Drabo : Quelles sont les raisons de l’engagement de la fondation Ecobank dans la lutte contre le paludisme en Afrique ?

Élisa Desbordes-Cissé : L’accès à la santé est parmi les axes d’interventions majeures de la fondation depuis sa création en 1995. Nous savons qu’être en bonne santé permet à chaque individu de pouvoir se développer sainement et libère le potentiel de développement humain sur le continent. A travers notre engagement, nous cherchons à renforcer les systèmes de santé publique et mettre fin aux épidémies comme celle du paludisme, ayant un impact considérable sur la croissance économique du continent.

Les pertes économiques liées au paludisme sont estimées à 12 milliards de dollars chaque année en Afrique. Elle représente un manque à gagner énorme et en tant que banque panafricaine, c’est un fait auquel nous accordons beaucoup d’attention. Dans cette optique, nous avons décidé avec Speak up Africa et le partenariat RBM pour en finir avec le paludisme, de lancer en 2020 « Zéro Palu ! Les entreprises s’engagent ». Cette initiative vient en complément du mouvement « Zéro palu ! Je m’engage », lancé en 2018 par l’Union africaine.

« Zéro Palu ! Les entreprises s’engagent » vise à favoriser la mobilisation des ressources nationales pour un financement durable de la lutte contre le paludisme en engageant les entreprises et les chefs d’entreprises locales dans les pays à s’investir davantage.  Actuellement, l’initiative est mise en œuvre dans 5 pays à savoir le Burkina Faso, le Bénin, le Sénégal depuis 2020, l’Ouganda depuis 2022 et le Ghana dans les prochains mois. Dans le cadre de cette initiative, la fondation Ecobank a mis en place un fond catalytique de 120 milles dollars au niveau de ces filiales des 5 pays.

Cela signifie qu’Ecobank apporte une contribution initiale de 120 000 dollars dans ces pays pour encourager les entreprises de toutes tailles à soutenir financièrement ou en nature les efforts des programmes nationaux de lutte contre le paludisme. En plus de la contribution financière, nous avons aussi un volet de sensibilisation et d’information, car pour nous il est aussi important d’expliquer aux chefs d’entreprises le rôle qu’ils peuvent jouer dans la lutte contre le paludisme. Pour nous, le rôle du secteur privé est crucial pour la réalisation des objectifs de développement durable et en particulier l’objectif 3 sur le droit à la santé.

  • A ce jour, comment évaluez-vous l’impact de cet engagement en termes de contribution à la lutte contre le paludisme en Afrique ?

 La fondation du groupe Ecobank a fait une contribution initiale de 600 milles dollars. A peine 2 ans, de 2020 à 2022, nous avons réussi à mobiliser 1.3 millions de dollars grâce à des contributions financières et en nature dans les 5 pays. Nous avons près de 60 entreprises qui se sont mobilisées à travers cette initiative aux cotés des programmes nationaux de lutte contre le paludisme. Ce sont des résultats inédits, car c’est la première fois qu’on a une telle mobilisation du secteur privé africain pour mettre fin au paludisme. Nous invitons les entreprises à rejoindre l’initiative.

  • Nous savons que les femmes représentent plus de 50% de la population africaine. En quoi les inégalités des genres impactent-elles les efforts d’élimination du paludisme ?

 Le paludisme affecte à la fois les hommes et les femmes. Mais dans certaines situations, la maladie va affecter les femmes et les jeunes filles de manière disproportionnée par rapport aux hommes. Tel est le cas des femmes et des jeunes filles enceintes. Par exemple, en 2019, on estime que plus de 11 millions de femmes enceintes ont contracté le paludisme en Afrique, ce qui est énorme pour une maladie évitable.

Cet impact de la maladie sur les femmes est lié à plusieurs facteurs dont ceux des pesanteurs socio-culturelles. Comme vous le savez probablement, dans de nombreux contextes, les femmes n’ont pas forcément le pouvoir décisionnel de choisir d’utiliser ou non une moustiquaire imprégnée, de recourir à des soins sans l’approbation initiale d’un homme. Leur faible pouvoir financier peut être aussi un frein à l’accès au traitement. Ce sont autant d’obstacles systémiques et culturels qui empêchent les femmes de bénéficier des interventions ou des outils de préventions qui leur sont vitaux. Toutes ces inégalités citées et bien d’autres sont des éléments cruciaux et très importants à prendre en compte dans la conception des stratégies de riposte efficaces au paludisme.

  • Quelles sont selon vous les actions spécifiques à mener pour autonomiser les femmes afin qu’elles deviennent des actrices clés de la lutte contre le paludisme ?

La première action selon moi serait l’information et la sensibilisation. L’information et la sensibilisation devraient idéalement se faire dans les langues locales que les femmes comprennent et en allant à leur rencontre. Ces informations et sensibilisations sont importantes car elles auront un impact sur la santé des femmes mais aussi de la communauté, puisque les femmes sont souvent aussi responsables de la santé de leurs enfants et du reste de la communauté. Informer et sensibiliser une femme, c’est donc lui donner les moyens de protéger sa santé mais aussi celle de sa communauté.

Ensuite, le renforcement du pouvoir de décision des femmes. Cela nécessite un travail sur les mentalités, car en plus d’avoir un cadre juridique favorable aux femmes, il faut garantir aux femmes l’espace de décision sur la santé et celle de leurs enfants. Il est aussi important de favoriser l’autonomie économique des femmes. Le fait d’avoir des revenus va leur permettre de se soigner et s’occuper de la santé de l’enfant sans recourir à l’homme.

Il est également important de noter que 70 % des agents de santé communautaire sont des femmes. Pour dire qu’il y a un grand nombre de femmes qui s’investissent dans la lutte contre le paludisme. Malheureusement leur travail n’est souvent pas valorisé ni même rémunéré. C’est un facteur sur lequel il faut agir pour mettre fin au paludisme.

  • En quoi le manque d’implication des femmes pourrait-il compromettre les efforts d’élimination du paludisme et les avancées réalisées jusqu’à présent ?

D’abord, je pense que si on veut stopper le paludisme, il faut pouvoir l’éliminer auprès de toutes les couches de la population. Étant donné que les femmes représentent une grande partie des personnes touchées par le paludisme, il est nécessaire de développer des stratégies de lutte basées sur leurs besoins spécifiques. Ne pas tenir compte de ces besoins spécifiques, nous fera perdre la bataille contre la maladie.

Dans le domaine de la recherche, il existe malheureusement très peu de données sur l’impact du paludisme sur les capacités des femmes et des jeunes filles. Pourtant, ce sont des données qui sont cruciales pour orienter la prise de décisions éclairées pour apporter à ce groupe de personnes, les solutions dont elles ont besoin pour ne plus être touchées par la maladie.

J’’aimerai insister sur le fait qu’impliquer les femmes, c’est aussi s’assurer que toute la communauté, y compris les enfants, est protégée.

  • La réduction des inégalités des genres est aujourd’hui au cœur des agendas de santé publique et de développement en Afrique. Quelle peut-être la contribution de la fondation Ecobank pour la réalisation de l’égalité des genres en Afrique ?

Au niveau de la fondation Ecobank, nous avons plusieurs programmes qui visent à contribuer à la réalisation de l’égalité des genres en Afrique. En octobre 2022, la fondation Ecobank a signé une convention avec ONU FEMMES. L’objectif premier de ce partenariat est d’avoir un accompagnement dans l’intégration du volet genre dans toutes nos activités. Au cours de ce début d’année 2023, nous avons lancé la campagne « stop aux préjugés » qui est une série de webinaire et de communication développées en partenariat avec différents partenaires dont ONU FEMMES. Cette campagne favorise le partage d’expériences pour briser les préjugés et les stéréotypes dans divers secteurs et montrer aux femmes qu’elles peuvent tout faire.  Par exemple, nous avons organisé un webinaire sur les femmes dans le sport avec des sportives et des entrepreneuses qui travaillent dans le domaine.

Dans la même vision, nous travaillons avec le Partenariat mondial pour l’éducation qui est une plateforme de plaidoyer de la Banque mondiale. Nous les soutenons dans leurs campagnes de sensibilisation dans le but d’encourager davantage l’éducation des jeunes filles. Dans le cadre de ce programme, nous avons distribué des radios solaires auprès de 2500 familles dans le sud-ouest du Zimbabwe. Des contenus éducatifs et des messages pour inciter les filles à reprendre le chemin de l’école y sont diffusés. En effet, la pandémie de la covid19 a provoqué une vague de déscolarisation de jeunes filles dans le pays.

Au Kenya et au Ghana, toujours avec le partenariat mondial pour l’éducation, nous concentrons nos efforts sur l’accès des femmes aux nouvelles technologies de la communication et de l’information (TIC) et sur les sciences technologies ingénierie et mathématiques (STEM). Ce sont des matières dans lesquelles les filles sont encore sous représentées alors qu’elles ont un fort potentiel de recrutement dans le monde du travail.

Le dernier programme que je vais citer est le programme d’excellence pour les femmes en Afrique lancé avec notre partenaire Share au Togo et en Côte d’Ivoire.  Il s’agit d’un programme de formation en entreprenariat, au leadership, à la prise de parole et la gestion de projet durant 2 ans au profit des étudiantes quel que soit leur domaine d’étude.

L’idée pour nous à travers ces programmes est de donner aux filles et aux femmes les outils dont elles ont besoin pour être davantage autonome, pour s’émanciper davantage, pour avoir accès aux finances et à l’emploi. La volonté est de contribuer à les sortir durablement de la pauvreté.

Interview réalisée par Harouna Drabo

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