Les cigognes ont – elles perdu mon adresse ?

Un enfant à tout prix !

Par Pélagie NABOLE

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[Cela faisait maintenant quatre longues années que mon mari et moi essayions d’avoir un enfant. Nous venions tous les deux d’entamer des carrières professionnelles prometteuses, investit dans l’immobilier et stabilisé nos finances. Nous pouvons à présent envisager d’accueillir un bébé au sein de notre foyer. Mais il nous aurait pas fallu longtemps pour comprendre que quelque chose n’allait pas.

Un matin du mois de Juin, nous avions rendez-vous dans un centre de procréation médicalement assistée (PMA), après des années de suivi chez les meilleurs gynécologues du pays. Nous avions choisi le centre le plus cher du pays. « Rien n’était assez cher pour nous permettre de ressentir enfin cette joie d’être parents », m’étais-je convaincue.

Après trois mois de suivi médical, le diagnostic du gynécologue est sans appel. « Dans votre situation, seule une fécondation in vitro peut être envisagée ». Le taux d’échec était de 70%, nous avait avertis le médecin. « Mais pourquoi rejeter le verre à moitié vide, lorsqu’on peut boire la moitié pleine ? Nous avons 30% de chance d’avoir un enfant, après quatre années d’échec, ce n’était pas négligeable », avais-je argumenté pour convaincre mon mari. Têtes baissées, nous avions foncés.

Nous étions enthousiastes à l’idée de devenir enfin parents grâce à la fécondation in vitro (FIV). Commencent alors les traitements, en passant par la stimulation des ovaires et la ponction des ovocytes. Le jour du transfert des embryons, mon mari écourta une mission hors du pays pour être à mes côtés. Trois embryons furent transférés avec succès. « Ils sont bien beaux vos embryons, Madame ! », s’exclama le gynécologue avant de me souhaiter bonne chance pour la suite du processus. Les deux semaines qui suivirent cette opération furent des plus angoissantes. Je m’accrochais au moindre signe de mon corps qui s’apparenterait à un symptôme de grossesse : nausées, crampes au bas ventre, fatigue, etc. Le verdict tomba au petit matin du 20e jour après le transfert, lorsque je me réveillai avec des saignements. Le test de grossesse était négatif. Mes petits soldats n’ont pas réussi à s’accrocher.

Immédiatement, ma réaction fut de trouver un coupable : une personne à blâmer. Au début, ce fut la clinique, convaincue qu’ils auraient fait preuve de négligence ou d’incompétence tout au long du traitement. S’étaient – ils rassurés que l’endomètre était prêt à héberger les embryons ? Avaient – ils fait tous les examens nécessaires avant le transfert ? Je repensais à chaque conversation que j’avais eue avec mon médecin traitant, essayant de trouver des erreurs. J’avais également fait le tour de tous les sites web traitant de la FIV et adhéré à tous les forums en ligne des femmes ayant vécu ce processus. Il me fallait coûte que coûte un responsable vers qui diriger ma colère.

Sans réponse apparente, ma culpabilité se retourna vers moi-même, analysant chaque faux pas ayant empêché mes embryons de s’implanter. Être incapable de concevoir naturellement avait déjà été une perspective difficile à accepter, mais être incapable de tomber enceinte par la Fécondation In Vitro m’a fait me sentir plus incomplète en tant que femme. Au-delà de toute considération superstitieuse, j’avais également perdu fois en la science ; cette toute puissante science, qui incontestablement défie toutes les limites de l’univers et de l’impossible. Ce sentiment de colère fut si intense que j’avais l’impression que mon cœur brûlait comme une saucisse sur des braises ardentes. La tristesse, l’incompréhension, le découragement et la culpabilité créèrent une sorte d’apathie en moi les premiers jours. Très vite, je fus rattrapée par la rage et le sentiment de subir une injustice de la part de Dieu.

Au téléphone avec ma sœur, je réussi à me confier. Elle m’écouta, essaya de me consoler et promis de me rappeler. Deux heures plus tard, mon téléphone sonna. C’était ma sœur. Son message était court : « Rendons grâce à Dieu pour l’échec de nos projets de vie. Il les remplacera par ses projets à lui ». A la lecture de ce message invocateur, ma gorge se dénoua, et ce sentiment d’amertume qui me rongeait le cœur se dissipa. L’espoir naquit. Nous ne devions pas abandonner aussi facilement.

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Environ huit semaines après cet échec, lorsque les émotions se sont peu à peu dissipées, le centre de PMA me fixa un autre rendez-vous pour le deuxième transfert.  Il me restait deux embryons congelés.  Ce 15 février, être couchée sur cette table d’opération me donnait un sentiment de déjà vécu. La peur de vivre à nouveau ce chagrin sans nom me faisait frissonner. Je contemplais les machines branchées tout autour de moi. Mon cœur se mit à battre. Deux larmes coulèrent, puis ce fut un torrent de larmes qui prirent d’assaut mon visage.

Je repensai à ma sœur, à son premier bébé qu’elle venait d’accoucher à 43 ans ; à son message qu’elle m’avait envoyé. L’histoire de Sarah dans la bible me traversa furtivement l’esprit. Elle qui accoucha à 90 ans, j’en avait que 38.

En fermant les yeux, je vis un livre s’ouvrir devant moi. Toutes les pages étaient blanches, sauf une ou il était écrit : « Dieu se souvient de toi. Lorsqu’il l’aura décidé, les cigognes viendront taper à ta porte ». A cet instant précis, le doute m’envahit au plus profond de moi-même.

D’un bond, je descendis de la table d’opération, remis mes vêtements au plus vite et quitta la clinique. Au parking, une infirmière me reconnut et m’interpella « où allez-vous Madame ? ». « Je rentre chez moi ! Au revoir », avais-je répondu.

Dr Frédéric ne cessa de m’appeler, après mon départ précipité de la salle d’opération. Il était perplexe, confus et embarrassé. En vingt ans de service, il s’agit bien de la première fois qu’il vivait un tel cas, va-t-il me confier au téléphone. « Qu’est ce qui se passe Madame ? Je ne comprends pas ce qui vous arrive. Vous devez garder espoir ! Vous ne pouvez pas abandonner en si bon chemin. Cette fois ci sera la bonne, je vous le promets. Il vous reste deux beaux embryons congelés. Revenez me voir demain », m’avais – t- il suppliée au téléphone.

D’une voix sèche et désinvolte, ma réponse fut sans appel avant de raccrocher le téléphone :

« Je n’abandonne pas ! Je remets tout entre les mains de Dieu. Je lui rends grâce pour l’échec de ce projet de vie. Il le remplacera par son projet à lui ! Au revoir Docteur ! »

Lorsque je fus sur l’autoroute, en direction de la capitale, je lançai un regard furtif à cette femme, portant son enfant au dos, perchée sur sa motocyclette, essayant de remonter la pente tant bien que mal. Au nom de tous les couples, ma prière fut sincère et pleine d’espoir : « Grâce et miséricorde Seigneur ! Aussi longtemps qu’il le faudra, j’attendrai que tu envoies les cigognes frapper à ma porte. J’ai confiance que tu le feras ».]

Cette histoire est rédigée en hommage à ces hommes et femmes qui attendent impatiemment, que la cigogne dépose un enfant à leur porte. Sachez que vous n’êtes pas seuls !

Pélagie NABOLE

Ecrivaine, et Artiste peintre autodidacte.

Spécialiste en communication d’influence, je me passionne des sujets relatifs au développement du leadership et de l’autonomisation des jeunes et des femmes

Twitter : https://twitter.com/donareine

LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/p%C3%A9lagie-nabole/

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