Mendicité : Après le ratissage de la Brigade Laabal, que deviennent les mendiants ?

Au feu, dans les carrefours ou dans les ronds-points de quelques quartiers de Ouagadougou, croiser un mendiant tendant la main faisait partie du quotidien des Ouagalais. La mendicité, devenue au fil des ans un phénomène presque normalisé, a cependant connu un tournant après l’opération de ratissage menée le 12 novembre par la Brigade Laabal. Si certains mendiants ont été conduits pour des travaux d’intérêt général, d’autres semblent avoir disparu de la circulation.
Dans certaines places de Ouagadougou autrefois bondé de talibés, le constat devient de plus en plus étonnant : la présence des mendiants sur les grandes voiries s’est nettement amenuisée. Au »marché dit de sacrifices » sis dans le quartier Paglawiri de Ouagadougou,, seuls quelques enfants sillonnent encore les rues avec des boîtes en métal. De vieux hommes, assis à même le sol, attendent désormais les bonnes volontés sans oser errer.

Au marché Sambin Barrage à Tanghin, autrefois considéré comme un véritable “QG” des mendiants, la situation a presque changé. Sur le long mur qui servait de point de regroupement aux talibés, ils ne se comptent plus que sur le bout des doigts et sont majoritairement constitués d’hommes d’un âge avancé. Une question s’impose alors : où sont-ils passés ? Se cachent-ils ? Se sont-ils reconvertis, comme le souhaite la brigade ?
« Ils veulent que l’esprit de paresse quitte notre corps » : la voix de Ah Ibrahim Almahadi
Toujours au marché Sambin Barrage à Tanghin, Ah Ibrahim Almahadi, un talibé plutôt âgé, accepte de témoigner. Il confie avoir longtemps vécu de la mendicité avant l’intervention de la Brigade Laabal.
« Le jour où ils sont venus, j’ai vu tout ce qui s’est passé, j’étais là », raconte-t-il. « Tous les jeunes mendiants plutôt robustes ont été embarqués », continue-t-il.

Ah Ibrahim Almahadi n’est pourtant pas un Ouagalais de naissance. Il sort de sa poche une carte de réfugié délivrée par le CONAREF. « Je suis venu du Mali à cause de l’insécurité. Quand on veut m’arrêter, je montre ma carte », montre-t-il.
S’il dit avoir échappé à cette mesure en raison de son âge, il reconnaît avoir reçu une séance de sensibilisation de la part des forces de l’ordre.
Loin d’être frustré, Ah Ibrahim Almahadi estime que l’action de la brigade était nécessaire. « Ils ont dit qu’ils veulent que l’esprit de paresse quitte notre corps. Ils nous ont demandé de quitter les grandes voies », déclare-t-il. Désormais, ils sont installés à l’intérieur du marché. Avec ses camarades du même âge, il affirme s’être reconverti dans d’autres activités. « Nous sommes ici avec quelques produits de sacrifices, et ceux qui veulent donner l’aumône viennent ici », confie-t-il.
Pour lui, la mendicité rend effectivement paresseux comme l’a signifié la Brigade. Il a de ce pas lancer un appel à ses camarades à chercher un travail. « Ce que la brigade Laabal fait ce n’est pas pour le mal de personne, certes on les a amenés pour travail et c’est aussi un conseil pour eux. Nous devons travailler. Chaque être humain se doit de travailler et ne pas mendier », conclut-il.
Lire aussi: Mendicité des enfants : Le gouvernement renforce le dialogue avec les maîtres coraniques – Mousso News
Des mesures gouvernementales pour s’attaquer au phénomène à la racine
Alors que la Brigade Laabal poursuit son action d’assainissement, le ministère de l’Action humanitaire travaille à des solutions structurelles. Le 7 novembre 2025, la ministre en charge de l’Action humanitaire, le Commandant Passowendé Pélagie Kaboré recevait au ministère le Président de l’Association des Talibés. La rencontre consistait à trouver un terrain d’entente avec les guides des écoles coraniques pour réfléchir à des mécanismes durables d’éradication de la mendicité, en particulier celle des enfants talibés.
Ces échanges ont porté sur l’idée de proposer aux écoles coraniques des projets agricoles et des initiatives communautaires, afin de réduire leur dépendance à la mendicité. Il a été convenu d’extraire progressivement les enfants de la rue grâce à des solutions endogènes fondées sur la concertation avec les communautés.
Cette dynamique traduit la volonté du gouvernement burkinabè de mettre fin à la mendicité des enfants et à leur exploitation.
Diane SAWADOGO/ MoussoNews



