Déplacés internes : ‘’ Beaucoup d’hommes ont quitté leur femme à cause des dépôts d’argent des ONG’’

L’assistance humanitaire des Organisations non gouvernementales (ONG) est par endroit, source de conflit dans des couples de déplacés internes. « Plusieurs hommes ont fini par quitter leur femme du fait des dépôts d’argent dans les comptes orange ou moov », raconte un déplacé interne qui propose aux ONG de revoir leur assistance en formant plutôt les bénéficiaires à des activités génératrices de revenue plutôt qu’en leur donnant l’argent liquide. 

SD (nom d’emprunt) est un déplacé interne sur un site à Ouahigouya. Père de neuf enfant, il a pu fuir qu’avec cinq d’entre eux. Les quatre autres étant un peu plus âgés, il leur a proposé d’aller « se débrouiller comme ils peuvent ». Avec sa femme, SD dit se débrouiller avec l’assistance humanitaire. Il est également sollicité par les Organisations non gouvernementales (ONG) pour des sensibilisations et des animations. « Ma chance est que je suis un peu instruit. Des structures passent par moi pour passer des messages », dit-il fièrement. Une occupation sporadique, devenue aujourd’hui un gain-pain pour SD, même s’il indique que ce qu’elle lui rapporte n’est pas insuffisant pour subvenir à tous ses besoins.

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Image d’illustration

De l’inquiétude pour l’assistance humanitaire

L’aide humanitaire n’a jamais manqué sur les sites de déplacés internes, foi de SD. « Nous en recevons presque tous les jours », reconnait-il avant d’exprimer son inquiétude. « A l’allure ou cette aide humanitaire va, c’est inquiétant. Si ma voix portait, j’allais plutôt proposer un autre moyen de nous venir en aide. Les ONG gagneraient mieux à former les bénéficiaires à des métiers de main comme la mécanique, la menuiserie, la fabrication de bissap, etc…. Cela va permettre aux déplacés de s’autogérer au lieu d’attendre toujours une main bienfaitrice », recommande SD.

Elles sont toujours collées à leur téléphone

A l’entendre, si l’aide humanitaire reste en l’état, même si la paix revenait, un autre phénomène risque de se développer et dont les conséquences seront énormes. Et pour cause, explique SD qui pointe du doigt le système de ciblage des ONG, en plus des vivres et du matériel, des familles reçoivent des aides en numéraire qui sont source de conflit dans des foyers. « Les ONG sont plus focalisées sur les femmes. Elles estiment qu’elles sont plus capables de bien gérer les finances et certaines le font effectivement », reconnait SD. Toutefois, poursuit-il, ces dépôts d’argent ont entrainé des conflits et des séparations de couples. « Il y a des femmes qui ne veulent rien faire. Elles ont toujours le téléphone bien chargé, collé à la main, attendant un appel d’une ONG ou un dépôt d’argent. Et quand elles prennent l’argent, elles l’utilisent à d’autres fins tout en narguant le mari », déplore le déplacé interne.

Des zones accessibles mais des populations refusent d’y aller

« Il y a de plus en plus des zones accessibles et sécurités mais des populations refusent d’y retourner » indique SD. La nouvelle vie plus aisée dans les sites ou encore le rejet des populations restées au village constituent les principales raisons du refus de certains de retourner au village. « Beaucoup de femmes refusent de rentrer pour rejoindre leur époux. Des hommes subissent les caprices de leurs femmes sans pouvoir rien faire », dit-il.

Lire aussi ici: Burkina : une matinée de frayeur en zone terrorisée – Mousso News

SD a toutefois clarifié que certains déplacés ont pu fuir sans stress et ont pu emporter leurs matériels. « Ils ont pu se préparer avant de fuir lorsqu’ils ont senti la menace. C’est eux qui arrivent à mener des activités dans les villes d’accueil », explique SD qui insiste, qu’il y a une différence entre les déplacés.

Pour venir à bout du phénomène du terrorisme au Burkina, SD propose à l’Etat de porter le message de cohésion sociale et du vivre-ensemble à la base. « On reste à Ouagadougou pour parler de paix. Il faut aller dans les villages où la crise a débuté pour parler franchement aux populations », dit-il.

Bassératou KINDO

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