Dr Jocelyne Vokouma : Une chercheure aguerrie sur les mystères du tissage ancien et la teinture à l’indigo

Depuis plus de trois décennies, le Dr Jocelyne Vokouma explore l’univers du tissage et de la teinture à l’indigo. Elle est anthropologue et chercheure à l’Institut des sciences des sociétés (INSS) au département socio-économie et anthropologie de développement. Elle défend la valeur scientifique et historique des tissus burkinabè, témoins d’une civilisation qui mérite d’être reconnue à sa juste place dans l’histoire de l’humanité.

Ce mardi 28 août 2025, à Ouagadougou, le Dr Jocelyne Vokouma a partagé le fruit de ses 35 années de recherche sur le tissage ancien et l’indigo, lors d’un séminaire scientifique au profit d’une vingtaine de chercheurs. Anthropologue, spécialiste en recherche à l’INSS, elle s’est engagée à montrer que le tissu, loin d’être un simple élément folklorique, constitue une identité et un patrimoine de savoir-faire au Burkina.

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Dr Jocelyne Vokouma a présenté ses recherches sur le tissage ancien et la teinture à l’indigo à une vingtaine de chercheurs

En focalisant ses années de recherches sur le tissage et l’indigo auprès de la communauté moaga, elle rappelle que l’attachement au tissu remonte au règne du premier roi des Mossés, Naaba Oubri de 1495 à 1517.

Elle révèle que le premier vêtement porté par ce chef et aujourd’hui encore utilisé lors des intronisations et inhumations des souverains moaga témoigne de la profondeur historique de la production textile au Burkina Faso. « Le tissu est l’étape supplémentaire de production humaine qui montre que nous sommes des êtres humains comme le blanc, le jaune et le rouge », souligne-t-elle.

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Dans son intervention, elle a également insisté sur l’ampleur et la portée universelle du tissage pour le Burkina ainsi que pour toute l’Afrique. « Vous voyez, le tissu est ce qui protège la dignité humaine. Et quand une communauté réussit à montrer qu’elle a été capable de se vêtir, elle montre qu’elle a été capable d’apporter sa part à la construction de l’humanité. Ainsi quand le discours colonial, même contemporain, soutient que l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’histoire, par le tissu produit par les communautés, nous rétorquons que nous sommes rentrés suffisamment dans l’histoire », défend-elle.

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Différents types de pagnes tissés burkinabè

Chercheure engagée, mais également une mère et un modèle pour toutes les femmes dans le domaine de la recherche

Revenant sur son parcours, elle confie avoir commencé ses recherches terrain à l’âge de 22 ans, en parcourant à moto 21 localités du Burkina pour sa thèse. « Quand je soutenais mon mémoire en 1995, ma fille avait 5 mois. Donc je vous lance le défi que le travail ne doit pas vous empêcher de vivre votre vie de famille et c’est le grand défi que les femmes vivent. Il faut pouvoir faire du terrain »,dit-t-elle. « À part le “e” que j’exige qu’on ajoute à docteur ou à chercheur, nous sommes pareils », dit-elle avec un brin d’humour.

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Dr Jocelyne Vokouma est anthropologue, chercheure et maître de recherche à l’Institut des sciences des sociétés (INSS) au département socio-économie et anthropologie de développement.

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Pour le Dr Vokouma, il est urgent de sortir le Faso Danfani et les autres tissus traditionnels des considérations folkloriques pour en faire des objets de recherche et de valorisation. Elle plaide pour l’organisation de journées scientifiques dédiées aux tissus burkinabè et propose une cartographie vestimentaire nationale, afin de mieux documenter la richesse des pratiques textiles des Mossés, des Gourmantchés, des Bwaba et d’autres peuples du Burkina Faso. “L’identité de nos différents pagnes tissés est un savoir que nous devons même enseigner à nos enfants à l’école”, conclut-elle.

Diane SAWADOGO/ MoussoNews

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