Habi Ouattara : La DCRP qui a su supporter Simon Compaoré

De main de maître, mais avec beaucoup de retenues et de professionnalisme, Habi Ouattara a été (pour le moment) l’unique femme à chapoter la Direction de la communication et des relations presse (DCRP) du ministère en charge de la Sécurité et de l’Administration territoriale. « Habi, c’est celle-là qui qui ne tourne pas autour du pot. Elle crache ses vérités tant que le travail n’est pas bien fait », témoigne Rabankhi Abou-Bâkr Zida, ancien Directeur général (DG) de Sidwaya et de la Radiotélévision du Burkina (RTB). Focus sur le parcours d’une dame de principe attachée aux valeurs d’honnêteté et de rigueur. Portrait.

« Il faut faire comme il l’a dit. C’est sans commentaire », ordonne la Directrice de la communication et des relations avec la presse (DCRP) aux journalistes. C’était un 17 juin 2017. Simon Compaoré, alors ministre en charge de la Sécurité convoquait les médias sur l’affaire Auguste Denise Barry soupçonné d’être impliqué dans une tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat. Un journaliste d’une presse privée a voulu des éclaircissements et l’on sentait de l’énervement chez le ministre. D’un geste muet, Habi rassure. Dans les couloirs, les questions fusent. « Comment cette dame arrive à gérer un Simon Compaoré si imprévisible ? Qui est Habi Ouattara ? »

Qui est donc Habi Ouattara ?

Qui est Habi Ouattara ? Assise dans son fauteuil à la direction de la communication du Fespace, foulard sur la tête, éclate de rire, puis, quelques secondes de silence. « Habi Ouattara est une personne qui a la foi en Dieu et qui croit en Dieu. Habi Ouattara est cette personne pour qui l’être humain est au début et à la fin », répond-t-elle.

Elle naît à Ouagadougou dans les années 1970 de parents modestes. Ainée des filles, Habi a la chance d’aller à l’école. A l’université, elle opte pour le journalisme. Un choix inspiré de Norbert Zongo. « C’est Norbert Zongo qui m’a donné l’envie de devenir journaliste. Je l’avais rencontré, une fois, chez un grand frère. Je voyais certes des journalistes à la télé, les écoutais à la radio, mais nos échanges ont eu un déclic en moi », se rappelle-t-elle. Le concours d’entrée au département  Art et Communication de l’université de Ouagadougou était une dure épreuve. De 500 étudiants inscrits, le département ne voulait que 25 dont 20 Burkinabè et 5 étrangers. Sceptique, Habi Ouattara a pourtant été parmi les 10 premiers. Quatre ans a duré la formation jusqu’au niveau Maitrise en Journalisme.

Des journaux écoles pour nourrir la passion

Habi Ouattara commence à écrire dès le lycée Marien N’Gouabi. « Notre journal s’appelais ‘’l’Echos de Marien’’. Nous faisions des reportages sur la vie scolaire, des interviews et ça me plaisait énormément », se rappelle-t-elle encore. L’aventure se poursuit à l’université avec le journal  « L’Eveil ». Et pendant les congés, elle se rendait aux Editions Sidwaya pour apprendre. Et c’est là qu’elle va faire son stage de fin d’étude. Déployée donc dans cette rédaction, elle et deux autres étudiantes sont affectées au desk société.

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Au bout de quelques reportages sur le terrain, Habi propose, un jour, d’accompagner le rédacteur en chef pour suivre un match. « De retour à la rédaction, il m’a proposé de rédiger l’article. Je me suis plutôt intéressée aux à-côtés du match et l’ambiance », raconte Habi. L’article a été tant apprécié par le rédacteur en chef qui va la programmer à chaque fois qu’il y a un match. « C’est d’ailleurs l’un des mes premiers articles professionnels qui m’a le plus marqué », dit-elle émue.

Le journalisme est un métier assez complexe et le journalisme sportif l’est encore plus

Habi Ouattara

Elle rédigeait donc deux articles après chaque match : l’un sur le compte-rendu et l’autre sur les à-côtés. « Habi est une petite sœur qui a un franc parlé. Elle dit ce qu’elle pense et ne garde rien sur le cœur. Une femme rigoureuse qui s’impose avec ses idées », témoigne Aline Verlaine Kaboré, une ancienne collègue aux Editions Sidwaya. Elle se rappelle qu’Habi refusait toujours de signer les articles quand elle n’est pas d’accord ou ne se reconnait pas dans le compte-rendu.

Seule et ‘’unique’’ femme journaliste sportive aux éditions Sidwaya

Le statut de stagiaire pendant des années n’a pas découragé Habi à nourrir sa passion pour le journalisme. Seule et unique femme journaliste sportive de cette rédaction, depuis son départ en 2005, aucune autre journaliste ne s’est intéressée au sport. « Le journalisme est un métier assez complexe et le journalisme sportif l’est encore plus. C’est un genre un peu compliqué tout de même. Et elles sont peu les femmes qui sont passionnées de sport. Même dans les télévisions, ce n’est qu’en 2010, qu’on a commencé à voir des femmes s’intéresser au journalisme sportif », commente-t-elle.

Habi a été dégouté du métier

SIAO 2004. Malgré qu’elle soit affectée au desk sport, Habi était sollicitée pour des reportages de société et bien d’autres. Ce qui va accélérer le retrait de la jeune dame dans le métier est son accusation de vol et de fraude. « J’étais dégoutée et déçue », se souvient-elle et visiblement encore sous le choc.  « Alors que le red-chef Phillipe Tougouma nous avait programmé pour un reportage au SIAO et étant des stagiaires, nous n’avions pas de badges. Ce sont donc les badges des autres journalistes qu’on nous avait donnés. Phillipe nous avait dit qu’une fois arrivés, on devrait chercher à voir, le communicateur du SIAO à l’époque. Mais dès qu’il nous a vus, il a commencé à crier sur nous disant qu’on a volé les badges. Il a complétement refusé de nous écouter et à appeler la police. On nous a embarqués comme des voleurs pour nous déposer à la police. Pire, il était encore allé raconter des mensonges sur nous, nous méprisant d’être des stagiaires », raconte Habi Ouattara qui estime qu’un professionnel, malgré son rang ou son titre, doit avoir de l’estime pour le stagiaire. « Aujourd’hui, de stagiaire, je suis devenue professionnelle et nous avons été collègues », dit-elle.

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Ces évènements, en plus du « mutisme » sur le recrutement des journalistes à Sidwaya amènent Habi à postuler dans une ONG – La mache mondiale des femmes-. Elle est recrutée comme chargée de communication et plaidoyer pour les droits des femmes. Les 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes sont un des acquis de cette ONG sous le leadership d’Habi. Elle finit par quitter cet emploi par manque de stabilité. « Je voyageais de pays en pays et il fallait au bout de 2 ans, repartir dans un autre pays alors que je voulais rester auprès des miens », témoigne-t-elle.

Un procès à l’administration si jamais….

Habi est reconnue pour son caractère franc et sincère. « On l’appelais la dame de fer », confie Rabankhi Zida, ancien directeur général de Sidwaya et collègue d’Habi à l’époque. En effet, en 2006, Habi Ouattara est officiellement recrutée au sein de la Fonction publique et affectée au ministère en charge de la Communication. Là, encore, elle rencontre de petites ‘’bisbilles’’ avec la hiérarchie. Elle va être affectée au service commercial de la RTB. « J’ai dit que je n’avais pas les compétences de commercial. Et j’ai refusé de partir et j’ai promis de faire un procès à l’Administration pour abus de pouvoir », dit-elle. Le ministre Phillipe Sawadogo de l’époque aura donc demandé de trouver une solution à son cas. Habi se voit affectée au FESPACO comme agent en 2007.

J’ai promis de faire un procès à l’Administration pour abus de pouvoir

Habi Ouattara

Une belle opportunité pour elle qui lui permet de rentrer au sein de la Fédération burkinabè de football dont elle va gérer la communication pendant longtemps sous le mandat de Zembedé Théodore Sawadogo.

 « La période la plus complexe de la carrière d’Habi Ouattara »

2015. Année de Transition au Burkina Faso. Le ministère en charge de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure est scindé en deux. Le directeur en charge de la communication a préféré partir à l’Administration territoriale. Qui pour la Sécurité et qui n’a pas une coloration politique ? Le choix est vite porté sur Habi Ouattara qui a pourtant hésité pendant longtemps avant d’accepter. « Je me posais la question de savoir si j’allais pouvoir réussir cette mission, vue l’ampleur », se disait-elle.

Le ministère d’alors, le Colonel Sidi Paré entérine sa nomination. Après la Transition, le ministère est encore fusionné. Habi Ouattara devra gérer la communication pour Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou et nouvellement ministre en charge de l’Administration territoriale de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure (MATDSI). « Je pense que cela a été la période la plus complexe de la carrière d’Habi Ouattara que je connais depuis longtemps. Je pense qu’Habi n’a pas pu déployer tout son potentiel sous Simon Compaoré », déplore Rabankhi Zida. « Il prenait des décisions sur place sans aviser. Il change de position après discussion. C’était véritablement très difficile au début de la collaboration, on le craignait beaucoup. Mais au fil du temps, on s’est rendu compte qu’il aboie plus qu’il ne mord », confirme l’ancienne DCPM.

Habi Ouattara : La DCRP qui a su supporter Simon Compaoré 2
Simon Compaoré, ancien ministre de la Sécurité

Devant Simon Compaoré, Habi dégage toujours une sérénité légendaire. « J’étais sereine parce que je faisais bien mon travail et je pouvais aller au-delà de ce qu’on a demandé. Souvent, il n’écoutait pas du tout et lorsqu’il se rend compte qu’il n’est pas sur le bon chemin, il fait un retro pédalage », raconte-t-elle avec sourire. Le passage à la Sécurité aura été le meilleur selon Habi qui avoue avoir beaucoup appris sur l’ordre, le respect, la discipline.

La première à arriver et la dernière à rentrer

Elle est travailleuse et aime ce qui est bien fait. Proactive le plus souvent, elle était généralement la dernière à rentrer le soir. Mais vous la trouverez le lendemain matin au service”, confie Aboubacar Cissé, un collaborateur. Accessible, Habi mettait ses agents à l’aise et n’hésite pas à les rejoindre directement dans leur bureau pour échanger sur des dossiers.

Une directrice qui écoutait et qui demandait toujours l’avis de ses collaborateurs quand il le fallait. “Elle était sensible aux difficultés que rencontraient les jeunes “Sndistes” ( ceux qui étaient venus pour le SND). Ce qui peut paraître comme un défaut chez elle c’est que quand le travail commence elle ne sait pas s’arrêter. Tout le monde ne peut pas suivre le rythme qu’elle a au travail” indique M. Cissé.

La philanthrope sociale et professionnelle

FESPACO 2023. « Cette dame mérite toutes les considérations du monde », lance un réalisateur dans son bureau. Un bureau rempli de monde en particulier des journalistes. Les mines sont grises à cause des badges. La chargée de communication du FESPACO tente de son mieux de satisfaire tout le monde. « Pourtant, nous avions envoyé des mails depuis trois mois pour vous demander de vous inscrire si vous vouliez couvrir l’évènement », rappelle-t-elle d’un ton calme. Habi confie faire de son mieux pour satisfaire tout le monde. « Quand on travail, on est là pour que le travail se passe bien et pour faciliter le travail des uns et des autres », dit-elle souriante. Son plus grand regret est de n’être pas rester pendant longtemps dans une rédaction et de n’avoir pas pu également intégrer une association de journaliste pour défendre et protéger leurs causes.

Julie Jessica SOME/MoussoNews

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