‘’ Je vis à l’extérieur, mais je ne suis jamais vraiment parti’’. Pingdwendé Régis Michaël Gango a le Burkina dans son cœur. Il exerce actuellement dans la prestigieuse compagnie d’automobile française Renault. Il est aussi enseignant vacataire, cofondateur et Directeur général de WP AI Consulting. Ses rêves sont tournés vers un Burkina réconcilié avec lui-même et fier de sa jeunesse.
Présentez-vous à nos lecteurs
Je sui Pingwendé Régis Michaël Gango, Ingénieur Industriel de formation. Je suis titulaire d’un Master Spécialisé en Management de l’Amélioration Continue, Excellence Opérationnelle et Maintenance. Mon parcours a débuté par deux années de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) à 2iE après le BAC, une étape déterminante qui m’a conduit vers une trajectoire à la croisée de l’industrie, de l’enseignement et de l’entrepreneuriat.
Aujourd’hui, j’évolue comme Manager de production au sein du Groupe Renault France, un acteur majeur de l’automobile mondiale. J’y pilote une équipe de plus de 25 collaborateurs.
Parallèlement, je suis enseignant vacataire à l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE) et également cofondateur et Directeur Général de WP AI Consulting, une startup technologique innovante qui œuvre à démocratiser l’intelligence artificielle et les solutions numériques sur le continent.
Depuis combien de temps vivez-vous en France ?
Depuis 5 ans
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous installer dans ce pays ?
Je suis venu en France animé par la volonté de me former dans un environnement à fort niveau d’exigence et d’innovation. Mon objectif était de consolider mes compétences techniques et managériales dans un cadre structurant, connecté aux réalités industrielles mondiales.
Ce pays représente pour moi une plateforme d’apprentissage et d’opportunités, tant sur le plan académique que professionnel. Ce cadre m’a permis de développer de solides réflexes professionnels, de me confronter à des standards internationaux exigeants, et d’élargir ma compréhension des grands enjeux de l’industrie à l’échelle mondiale.
Mon ambition a toujours été de développer des expertises transversales, applicables dans différents contextes, et de construire des ponts entre les écosystèmes d’innovation, quels que soient les territoires.
Avez-vous rencontré des difficultés à vos débuts ?
Oui, bien sûr. Comme beaucoup de jeunes venus d’ailleurs, mes débuts ont été marqués par plusieurs défis : l’isolement social, la complexité des démarches administratives, les écarts culturels parfois déroutants, ou encore la nécessité de faire ses preuves en permanence dans un environnement très compétitif.
Mais très tôt, j’ai compris que ces obstacles n’étaient pas des freins… mais des étapes initiatiques. Chaque difficulté rencontrée a affûté mon endurance, mon adaptabilité et mon sens de l’initiative. Elles ont nourri ma détermination à ne pas juste « réussir pour moi », mais à construire quelque chose de plus grand, de plus durable à la croisée de mes deux mondes : la France et le Burkina Faso.
| Parcours professionnel : Qu’est-ce que vous faites en France ? Et comment vous vous en sortez ?
Actuellement, je suis Manager de production au sein du Groupe Renault, un des fleurons de l’industrie automobile française. J’y pilote une équipe de plus de 25 personnes, dans un environnement où rigueur, innovation et performance sont les maîtres-mots.
En parallèle, j’exerce en tant qu’enseignant vacataire à 2iE – Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement, une grande école d’ingénieurs inter-États fondée il y a plus de 50 ans, et dont l’influence rayonne bien au-delà du Burkina Faso.
Y enseigner est pour moi bien plus qu’un simple poste : c’est une mission de transmission, une responsabilité envers les générations futures, et une fierté de contribuer à l’émergence d’un savoir-faire africain solide, ancré dans nos réalités mais capable de dialoguer avec les standards mondiaux.
Enfin, je suis cofondateur et Directeur Général de WP AI Consulting, une entreprise technologique née d’une vision partagée avec mon ami, frère et associé, Wendinkonté Fabrice Cédric Sawadogo.
Présentez nous WP AI Consulting
Notre entreprise développe des solutions concrètes d’intelligence artificielle et de transformation numérique spécifiquement pensées pour les réalités africaines. Nous intervenons sur des projets stratégiques de formation continue, de développement de logiciels intelligents, de conseil en innovation technologique, et nous portons aujourd’hui ORIENTAI, une IA d’orientation scolaire intelligente conçue pour accompagner les jeunes Burkinabè de manière personnalisée dans leurs choix académiques et professionnels.
Ce projet, que nous proposons actuellement à la Direction Générale de la Coordination des Orientations et des Bourses (DGCOB), est porté par une équipe jeune, talentueuse et engagée. À sa tête sur le plan technique : Eulalie Thiombiano, ingénieure en intelligence artificielle, formée localement au Burkina Faso, elle occupe le poste de cheffe de projet chez WP AI Consulting.
Notre vision est claire : mobiliser l’intelligence artificielle et les technologies émergentes pour répondre à des défis concrets liés à l’éducation, à l’emploi et à l’inclusion.

Pourquoi ce choix porté sur le domaine dans lequel vous exercez-vous ?
Depuis mon plus jeune âge, l’univers de l’industrie m’a toujours captivé. Que ce soit à travers des documentaires ou lors de visites sur le terrain, j’étais fasciné par les machines, les chaînes de production, les gestes maîtrisés des opérateurs et cette capacité à transformer des idées en produits concrets. Voir la rigueur, la précision et l’ingéniosité à l’œuvre dans ces environnements m’a marqué très tôt et a naturellement éveillé en moi un intérêt profond pour les systèmes industriels.
Mais au-delà de l’attrait pour l’univers industriel, j’ai aussi très tôt développé une aptitude naturelle à diriger, organiser, fédérer. Que ce soit à l’école, ou dans les activités parascolaires, j’ai souvent été celui vers qui on se tournait pour donner le cap, mobiliser les énergies et bâtir des solutions collectives. Le management n’est pas pour moi un simple poste à responsabilité, c’est un levier de transformation, une discipline humaine au service de la performance et du progrès.
Choisir le domaine de l’ingénierie industrielle et du management, c’était donc réconcilier deux passions : celle de la technique, et celle de l’humain. Travailler dans ce secteur, c’est pour moi conjuguer efficacité et leadership, exigence et engagement, pour créer un impact tangible et durable dans les organisations.
Comment vous sentez-vous dans ce domaine dans un pays étranger ?
Évoluer dans un environnement aussi exigeant que celui de l’industrie en France, c’est à la fois un défi quotidien et une formidable opportunité de progression. Les standards y sont particulièrement élevés : la rigueur est non négociable, l’innovation est attendue et l’autonomie est une preuve de maturité professionnelle.
C’est un univers qui me stimule, qui m’oblige à me réinventer, et dans lequel je me sens pleinement à ma place. Cette expérience à l’international renforce également ma conviction que les compétences n’ont pas de frontières, et que la valeur ajoutée réside dans notre capacité à nous hisser au niveau des standards globaux, tout en gardant un ancrage local fort.
Quels ont été vos défis au quotidien ? Et aussi qu’est-ce qui vous manque au Burkina ?
Dans un environnement industriel de haut niveau comme celui dans lequel j’évolue, les défis du quotidien sont multiples. Il faut savoir concilier des objectifs de performance élevés avec des impératifs humains : motiver, fédérer, accompagner une équipe dans un rythme souvent intense. La pression des résultats, les délais courts, les impératifs qualité et sécurité… tout cela exige une concentration constante, une rigueur sans relâche et une grande capacité d’adaptation.
Mais ces exigences sont aussi une école de l’excellence. Elles m’obligent à donner le meilleur de moi-même, chaque jour, et à ne jamais me reposer sur mes acquis. C’est formateur, stimulant, et profondément enrichissant.
Un autre défi majeur de mon quotidien, c’est de concilier cette vie professionnelle exigeante en France avec le pilotage stratégique de WP AI Consulting au Burkina Faso.
Qu’est-ce qui vous manque le plus du Burkina ?
Ma culture vivante, chaleureuse et profondément ancrée. Ma famille, bien sûr, et ce tissu social si précieux que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Les plans spontanés, les échanges simples mais vrais, le lien communautaire, cette capacité à rire de tout, même dans l’adversité et bien sûr les bons plats locaux (un bon tô avec Babemba, ou un riz Soumbala sous les manguiers ça ne se remplace pas ! ).
Gardez-vous un lien fort avec votre pays ?
Je vis à l’extérieur, mais je ne suis jamais vraiment parti. Mon lien avec le Burkina est constant, naturel, presque viscéral.
Même à distance, je reste profondément enraciné. Mes projets, mes engagements, et même mes réflexions quotidiennes gardent toujours un œil tourné vers chez moi. Co-diriger WP AI Consulting, une entreprise burkinabè tournée vers l’innovation technologique, en est une des illustrations concrètes. Mais ce n’est pas tout. D’autres projets sont en cours, discrets pour l’instant, mais porteurs d’espoir pour demain…
Ce lien avec le Burkina est pour moi plus qu’un attachement affectif. C’est une responsabilité. Un fil conducteur. Un moteur. Et tant que je pourrai contribuer, d’une manière ou d’une autre, je le ferai.
Que pensez-vous de la contribution de la diaspora au développement du Burkina ?
Elle est absolument essentielle. Mais pour être pleinement efficace, cette contribution doit aller au-delà des transferts financiers. La diaspora burkinabè a un rôle stratégique à jouer : celui de passerelle entre les savoirs d’ici et les réalités d’ailleurs.
Nous avons acquis des compétences, des expériences, des réseaux, il est de notre devoir de les valoriser au service du pays. Cela passe par la création d’entreprises, le soutien à des initiatives locales, le partage de connaissances, et l’accompagnement de projets structurants et durables.
Notre impact ne se mesure pas seulement en chiffres, mais en transformations concrètes. La diaspora doit devenir une force d’entraînement, exigeante avec elle-même, mais toujours solidaire. Car personne ne développera le Burkina à notre place.
Envisagez-vous de revenir au Burkina ? De manière définitive ?
Oui. Mais pas dans une logique de repli plutôt dans une logique de mission. Je veux revenir par choix, avec une vision claire : celle d’un retour préparé, structuré, utile. L’idée n’est pas seulement de “revenir vivre” au Burkina, mais d’y apporter une expertise, une énergie et une capacité d’action consolidées par mes expériences à l’étranger.
Ce retour, je l’envisage comme un levier pour continuer à travailler sur les grands enjeux technologiques, éducatifs et économiques du continent, depuis le terrain, aux côtés des acteurs qui bâtissent l’Afrique de demain.
Quelles sont vos ambitions si un jour vous revenez au pays ?
Je préfère parler d’ancrage progressif et réfléchi plutôt que d’un simple retour figé ou d’un départ définitif. Le Burkina a toujours occupé une place centrale dans mon parcours, et il continuera d’en être le point d’ancrage, que ce soit dans mes projets professionnels, mes engagements académiques ou mes réflexions personnelles.
Mon engagement est déjà là. L’avenir ? Il s’écrira sur la continuité de cette présence utile et active.
Quel est votre rêve pour le Burkina ?
Je rêve d’un Burkina en paix, d’un pays sécurisé, apaisé, où chaque citoyen peut vivre, circuler, étudier, travailler et bâtir son avenir sans craindre pour sa vie.
Je salue, avec beaucoup de respect et d’émotion, le courage des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), ainsi que des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), qui se battent chaque jour sur le terrain pour préserver notre intégrité territoriale et protéger nos populations. Leur engagement mérite reconnaissance, soutien et admiration.
Je reconnais également les efforts actuels du gouvernement pour redresser la situation, reconstruire les bases d’un État fort, et redonner espoir à une nation résiliente. Ces actions, bien que complexes, sont essentielles pour poser les fondations d’un Burkina nouveau.
Au-delà de la paix, mon rêve est celui d’un pays réconcilié avec lui-même, fier de sa jeunesse, visionnaire dans ses choix, et audacieux dans sa marche vers le développement.
Quel est votre message que vous voudrez adresser à la jeunesse Burkinabè, qui veut tenter l’aventure à l’étranger ?
Ne partez pas pour fuir. Partez pour grandir.
Partez pour apprendre, vous transformer et vous construire en profondeur. Partez avec une intention forte, un cap clair, et surtout, avec le désir sincère de contribuer un jour sous une forme ou une autre au développement de votre pays.
L’expérience internationale peut être précieuse. Mais elle ne prend tout son sens que lorsqu’elle s’inscrit dans un projet de contribution. Apprenez, absorbez, explorez… puis revenez bâtir, partager, transmettre. Derrière cette image simple se cache une vérité fondamentale.
Alors, à vous aussi : Ayez cette audace. Osez-vous lancer. Osez construire. Osez rêver grand pour vous-même, et pour le Burkina Faso.
Interview réalisée en ligne par Diane SAWADOGO/ MoussoNews