Ouahigouya : Le dilemme d’accès à l’eau potable pour des PDI installés hors des sites

L’eau. Source de vie. Si des personnes déplacées internes accueillies sur des sites officiels ne s’inquiètent pas souvent pour l’eau potable, beaucoup parmi ceux qui n’ont pas été enregistrés espèrent longtemps quelques gouttes d’eau dans leur bidon.  Installée dans des concessions de fortune à Ouahigouya, l’accès à cet ‘’or bleu’’ est devenu un défi constant. Une lutte quotidienne qui s’ajoute aux fardeaux financiers de leur situation déjà précaire. Des femmes et des enfants parcourent parfois des distances pour s’approvisionner dans des châteaux ou des forages.

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Des bidons vides en attente d’eau.

Août 2024. Une période de pluie, mais toutefois pénible à l’accès à l’eau potable pour certaines populations déplacées de Ouahigouya. Au secteur 14 de la ville, le spectacle a donné est colorée mais vide de ‘’source de vie’’ : Des bidons de 20 litres de couleurs différentes en fil indien sans parfois aucun propriétaire sont disposés devant des forages ou châteaux d’eau. Ce rang est pris dès l’aube à 5h30.

Il faut être le premier à espérer avoir l’eau potable. En effet, certaines concessions ou zones périphériques de la ville sont dépourvues d’infrastructures sanitaires et d’assainissements. Un dilemme pour des personnes déplacées internes non accueillies sur des sites et qui ne peuvent s’offrir le luxe des concessions en ville. Comment s’approvisionner en eau potable de manière régulière, donc  ?

Assis sur une natte sur la terrasse de sa cour dominicale, Adama bavarde avec des amis. De chevelure et barbe blanche, Adama est surplombé par le poids de l’âge et des pensées. Il explique que, dans sa cour, l’approvisionnement en eau potable est un véritable défi pour eux. « Il y avait un robinet d’ONEA à la maison, mais plus tard, des agents sont passés nous dire que les précédents locataires ont une facture de plus de 80 000 FCFA. Ensuite, ils ont coupé l’eau », informe Adama Zerbo, personne déplacée interne installée dans un secteur de Ouahigouya.

Adama et ses voisins bénéficiaient d’un forage, mais il n’a été disponible que de courte durée.   « Ils ont coupé l’eau du forage et ils nous ont dit que c’est le gouvernement qui l’a ordonné.  Il y avait aussi un puits au sein d’une école où les enfants allaient recueillir l’eau.  Mais il était trop profond pour les enfants et pas prudent. On a changé de lieu pour un château d’eau. Là-bas aussi, on chassait les enfants. Donc, à la place, on envoyait les femmes chercher l’eau. « Il y a des coins où c’est payant et d’autres où c’est gratuit », explique-t-il tristement.

Plus loin, également en natte, repose sa femme. Elle le calvaire qu’elle subit pour se ravitailler en eau dans les puits ou aux châteaux d’eaux.

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Adama Zerbo,un PDI vivant dans une concession au quartier Souli de Ouahigouya depuis 4 ans.

Contrairement à Adama, Soumaila Tondé s’est installée avec sa famille dans une concession en zone périphérique de Ouahigouya. Soumaila Tondé a fui sa localité d’origine depuis 4 ans. Lui et sa famille sont aussi contraints à l’achat d’eau potable en fontaine ou dans les châteaux. « Au village, chacun avait son puits d’eau, mais depuis que nous sommes ici, c’est difficile. Nous n’avons pas d’eau dans nos concessions, nous allons en chercher dans des châteaux dont la plupart sont payants », détaille-t-il.

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Soumaila Tondé a fui de sa localité d’origine pour Ouahigouya depuis 4 ans.

Des châteaux d’eaux des voisins, dernier recours pour des PDI

Dans cette lutte quotidienne, ce sont principalement des femmes et des enfants qui endossent le fardeau de cette quête d’approvisionnement d’eau. Certains habitants disposent de châteaux d’eau ou de forages solaires devant leur domicile, ce qui constitue un recours pour ces PDI. Issouf est un gérant de distribution d’eau potable du secteur 14 de Ouahigouya. Chaque jour, il reçoit plus de 100 bidons pour remplissage. « Ce n’est pas payant. C’est le domicile de mon patron, il m’a demandé de gérer la distribution d’eau. C’est ouvert de 9 h à 13 h. Il m’a donné pour instruction de fermer le robinet s’il y a des disputes entre les femmes », dit-il en indexant des bidons d’eau alignés.

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Issouf est un gestionnaire de robinet d’eau à Ouahigouya.

«Souvent, nous n’avons pas d’argent pour acheter de l’eau dans les fontaines.   Nous demandons au gérant qui nous le donne à crédit, et le jour où nous aurons un peu d’argent, nous allons rembourser nos crédits. Nous qui vivons dans les concessions, nous souffrons par rapport aux PDI qui sont sur les sites »

Salama, une PDI à Ouahigouya.

 Tandis que les uns mettent gratuitement l’eau à la disposition de certaines familles PDI, chez d’autres l’accès est conditionné par des paiements allant de 100 FCFA le bidon de 20 litres. Salimata est déplacée interne depuis 4 ans. Ménagère, elle témoigne que l’accès à l’eau potable dans sa zone est un défi majeur pour sa famille qui n’a pas assez de revenus. « Depuis que nous avons fui nos villages, la vie est très difficile ici, surtout l’accès à l’eau. Souvent, nous n’avons pas d’argent pour en acheter.   Nous demandons au gérant qui nous le donne à crédit, et le jour où nous aurons un peu d’argent, nous allons rembourser nos crédits. Nous qui vivons dans les concessions, nous souffronspar rapport aux PDI qui sont sur les sites  », se lamente-t-elle.

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Salimata est PDI à Ouhigouya. L’accès à l’eau est un calvaire pour elle et sa famille.

«Souvent, nous n’avons pas d’argent. Quand c’est ainsi, nous partons dans les jardins afin de cueillir gratuitement l’eau dans les puits. »

Abibou Sawadogo

Tandis que certains PDI se retournent vers les fontaines d’eau, d’autres se contentent des puits pour survivre. C’est le cas d’Abibou Sawadogo, jeune mère de 4 enfants. Assise devant sa cour, les yeux rivés sur des passants, les pensées loin et les lèvres sèches, Abibou Sawadogo pense à comment remplir ses bidons d’eau.

À cause du terrorisme, Abibou a abandonné ses études dans la classe de la troisième pour suivre son mari à Ouahigouya. Elle se retrouve dans une zone périphérique de Ouahigouya où l’accès à l’eau potable est très difficile. La jeune fille et sa famille vivent un calvaire en termes d’approvisionnement d’eau. « Il nous arrive de faire souvent 2 à 3 jours sans avoir de l’eau potable. » Dans notre concession, nous n’avons pas de robinet d’eau, donc nous nous approvisionnons auprès des forages et châteaux d’eau situés à près de 3 km de notre maison. Mais c’est payant et souvent nous n’avons pas d’argent. « Quand c’est ainsi, nous partons dans les jardins afin de cueillir gratuitement l’eau dans les puits », explique la jeune fille l’esprit évasif.

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Habibou Sawadogo a 22 ans et est PDI dans une des zones périphériques de Ouahigouya.

Inoussa Zemba, étudiant en, confirme les témoignages de Abibou. Inoussa et sa famille ne se ravitaillent que dans des puits. « Ma famille et moi n’avons pas accès à l’eau potable car nous résidons dans une zone non lotie. » À notre arrivée, les lieux les plus accessibles pour nous étaient les zones très reculées de la ville. Et là-bas l’État n’avait pas prévu de mettre en place des fontaines, vu que c’étaient des zones inhabitée. Ma famille ne s’approvisionne que dans les puits », dit-il en rappelant les inconvénients de l’eau non potable sur leur santé. Il interpelle les autorités ou les ONG à hausser le ton sur l’accessibilité en eau potable dans les zones périphériques à forte population. « En fonction de la popularité des zones non loties habitées par les PDI, le gouvernement ou les ONG peuvent mettre en place des fontaines d’eau pour nous aider. Ainsi, ils enlèveraient une épine à nos pieds », a-t-il lancé.

Depuis le début de l’année 2020, l’eau potable est devenue une denrée rare à Ouahigouya. Les ménages et les services ne sont pas épargnés par cette pénurie, à entendre Bassib Barry, coordonnateur administration de la radio Solidarité. « Ici, nous souffrons tous des pénuries d’eau. Mais les plus vulnérables sont les PDI qui vivent dans les concessions ou dans les zones non loties. Vu leur condition financière, ils n’ont pas souvent les moyens pour aller vers les fontaines où l’eau est parfois payante. La plupart qui n’a pas le choix se retourne vers les puits. Et cela aggrave leur situation de prédisposition », souligne-t-il.

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Les PDI laissent leurs bidons alignés et le gestionnaire se charge de les remplir lui même.

L’instauration de fontaines, châteaux d’eau et forages est la revendication de toutes ces PDI résidant dans les zones périphériques de Ouahigouya.

Annick HIEN/MoussoNews

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