Sarah Maïga : Résiliente et épanouie avec son nanisme

Sarah Maïga est une jeune femme atteinte du nanisme. Marginalisée, et stigmatisée par la société à cause de cet handicap physique, elle a toujours reçu l’amour et le soutien de sa famille. Les difficultés de la vie ne lui ont pas empêcher d’être la femme forte, battante et autonome qu’elle est aujourd’hui. Pleine de vie et d’ambitions, Sarah Maïga lutte pour une meilleure prise en compte des personnes de petite taille.

Née à Abidjan en Côte d’Ivoire, Sarah Maïga est la 4ème d’une fratrie de 5 enfants. Elle est atteinte d’un handicap physique appelé « nanisme ». Sarah fait partie de la catégorie de personnes couramment appelées « personnes de petite taille ». « Une personne de petite taille est une personne qui est atteinte du nanisme. Le nanisme est une maladie génétique due à une mal formation, responsable de la petite taille chez l’adulte. La taille généralement varie entre 1 mètre et 1 mètre 30 », explique-t-elle.

Malgré son handicap, elle porte plusieurs casquettes et par la même occasion, endosse diverses responsabilités. Présidente de l’association « Elan des personnes de petites tailles » et directrice de climate sol, elle est la 6ème vice-présidente chargée de la question du nanisme à la fédération burkinabè pour la promotion des associations des personnes handicapées. Elle est aussi secrétaire chargée de la formation et de la sensibilisation de la coordination régionale des personnes handicapées du centre. Sarah est la chargée à l’organisation de l’union burkinabè des associations pour la promotion et l’inclusion des femmes handicapées. Elle est également responsable du groupe cœur des femmes handicapées.

Une enfance difficile, truffée de moqueries

Sarah Maïga a connu une enfance compliquée. Elle a dû affronter le regard et les moqueries de son entourage. « sékéléni, sékéléni », c’est ainsi qu’elle était interpelée. Ce terme qui signifie « un pied » en dioula était utilisé par son entourage pour qualifier son handicap. « Les enfants se moquaient de moi. Au début, je ne savais pas pourquoi, je ne comprenais pas. J’étais enfant, donc il était difficile pour moi d’apercevoir la différence qui existait entre moi et les autres enfants. Avec le temps, je me suis rendu compte que mon handicap était la cause de toutes ces moqueries », relate-t-elle.

Bien que les habitants de son quartier étaient assez tolérants et compréhensifs du fait qu’ils l’ont vu naitre, grandir, et qu’ils connaissaient ses parents, ce n’était pas toujours facile pour elle de vivre dans ce milieu.

Sarah Maïga n’a pas eu la chance de faire de longues études. Elle s’est limitée à la classe de CM2. Un ensemble de facteurs justifient l’arrêt précoce de son cursus scolaire. Elle rencontrait des difficultés pour se rendre dans son établissement. « J’avais du mal à marcher. Je n’avais pas de tricycle non plus. Les parents, au regard de leurs occupations, n’étaient pas aussi disponibles pour m’accompagner à l’école. Les taximen refusaient de faire de petites distances chaque jour », soutient-elle.

Les conditions à l’école ne favorisaient pas l’apprentissage de Sarah.  Les tables-bancs n’étaient pas adaptés à son état, ce qui la rendait fréquemment malade. Ses pieds ne faisaient que s’enfler. La jeune femme ne parvenait pas à écrire au tableau car il était haut pour elle. « A chaque fois, le maitre me forçait à écrire au tableau. Toute la classe se moquait de moi. C’était devenu comme une forme d’humiliation de sa part. Peut-être qu’à l’époque, il ne savait pas que cela avait des inconvénients, mais psychologiquement, ces actions ont joué sur moi et sur mes études », confie-t-elle.

A son arrivée au Burkina Faso, Sarah a vécu une très mauvaise expérience. En effet des groupes de badauds s’attroupaient toujours derrière elle et se moquaient. Elle décide de s’enfermer à la maison et de limiter ses sorties à la porte. « En ce moment, j’habitais avec mon oncle parce que mes parents ne vivaient plus. C’est vrai que ma famille adoptive m’a accepté malgré mon handicap. Mais l’être humain n’est pas seulement cloîtré dans sa famille, il doit aussi sortir. Et c’est dehors que j’ai rencontré beaucoup d’obstacles », dit-elle.

Motivée pour réussir sa vie, elle a finalement décidé de quitter sa cachette après deux ans et de s’inscrire en candidate libre au concours élémentaire primaire (CEP) afin d’intégrer des centres de formation.

Une quête d’emploi sans issue favorable

Le désir de Sarah était de se former dans des centres de jeunes filles afin d’apprendre la couture et se perfectionner en tricotage. Elle était à chaque fois rejetée lorsqu’elle entamait les démarches pour un centre. Par la suite elle a demandé de l’emploi dans plusieurs télécentres mais sans suite favorable. Avec un niveau CEP, elle a aussi tenté le concours des filles de salle sans succès. « Il n’y a jamais eu quelqu’un pour m’accepter dans quoi que ce soit. Les gens pensent que les personnes handicapées sont limitées et ne peuvent rien faire. Ce n’est pas forcément de la méchanceté. Souvent c’est parce qu’ils ne connaissent pas notre potentiel », déplore-t-elle.

A en croire Sarah, sa famille et ses amis ont constitué une force pour elle, lui permettant de persévérer dans sa quête d’emploi.

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Elle a réussi à surmonter son handicap grâce au soutien de sa famille. Elle était aimée par ses parents et faisait leur fierté. Ces derniers lui ont forgé un fort état d’esprit. Elle se rappelle de son père qui l’amenait sur son cou visiter les grands bateaux et de sa mère qui ne cessait de lui dire qu’elle était la plus belle. Elle l’a fit voyager en avion lorsqu’elle venait pour la première fois au Burkina Faso. « Je voulais faire l’expérience du train comme mes frères. Ma mère me disait qu’elle ne voulait pas que les gens admirent trop ma beauté à la gare du train. Mais par la suite, j’ai compris qu’elle voulait éviter que je me blesse dans les bousculades et voulait m’épargner du regard des gens et de la fatigue » confie-t-elle. Et d’ajouter que : « C’est l’amour de mes parents qui m’ont permis de franchir cette barrière du handicap. Ma famille me donnait la force. Lorsqu’une personne est acceptée par sa famille, elle n’a plus peur de ce qui va se passer dehors » .

Célibataire dû entre autres à son handicap selon elle

Sarah Maïga est célibataire. Cela est dû à son handicap à son avis. « Chaque jour, il y a des prétendants mais il n’y a pas de mari », affirme-t-elle. Pour elle, le mariage en Afrique n’est pas une affaire de deux individus mais une question de famille.  A l’en croire, elle a rencontré des hommes qui l’aimaient mais qui avaient peur du regard de leur famille et de la société. « Avec mon handicap, je dois me battre doublement. Et si je dois encore me faire marginaliser et stigmatiser par une famille, je pense que c’est mieux d’être seule que mal accompagnée », laisse-t-elle entendre.

Sarah est chrétienne, précisément témoin de Jéhovah. De ce fait elle prône pour l’abstinence car dit-elle « pour moi, tant qu’il n’y a pas de mariage civil, il n’y a pas de relation ».

La « Sékéléni » qui vole maintenant de ses propres ailes

Sarah a été formée en animation. Suite à cela, elle a appris la fabrication des foyers écologiques. Elle a ensuite été recommandée à une organisation où elle a travaillé en tant qu’assistante technique de projet. C’est ainsi qu’elle a obtenu un métier lui permettant de bénéficier d’un salaire.

Après cela, elle décide de créer sa propre structure dénommée « Climate sol ». C’est une structure à but non lucratif qui évolue dans le domaine de la protection de l’environnement. « Deux foyers ont été mis sur le marché : le foyer nafa gaz au bois et le foyer nafa gaz au charbon. Ce sont des foyers très écologiques faits à base de tôle recyclé et de gente recyclé. On fait également des barbecues, des grilleurs d’arachide, qui varient du numéro 2 au numéro 30 », précise-t-elle.

Sarah est aussi responsable de l’« association élan des personnes de petites tailles ». Cette association est composée des personnes de petite taille et leurs familles avec une quarantaine de membre dont 26 femmes.

Sarah Maïga est pleine d’ambitions et de challenges

Le challenge de Sarah Maïga est de rassembler un plus grand nombre de personnes de petites tailles et les faire adhérer à son association car dit-elle « c’est notre nombre qui fera notre force ». Elle voudrait faire en sorte que les familles des personnes handicapées laissent sortir leurs enfants car beaucoup sont cachés dans les maisons et sont stigmatisés dans leur propre famille. Elle invite les parents à témoigner l’amour, l’affection e l’attention à leurs enfants en situation d’handicap. « Les parents doivent faire très attention pour ne pas handicaper une deuxième fois leurs enfants. Ils sont déjà handicapés physiquement. Par la négligence, le manque d’affection et le rejet, certains parents handicapent mentalement et moralement leurs enfants. Tant qu’il n’y a pas d’affection, il n’y a pas de dignité. Et quand il n’y a pas de dignité, on ne peut ni s’améliorer, ni avancer », révèle-t-elle.

 Selon elle, un enfant à qui les parents ne témoignent pas de l’amour sera toujours caché à la maison, ridiculisé et marginalisé. Il va se sentir seul, sans dignité, sans importance, incapable d’apporter quelque chose à la société et finit le plus souvent dans la mendicité.

Sarah Maïga lutte pour une meilleure application des textes en faveur des personnes handicapées et pour une meilleure prise en compte de ces derniers dans la société. « Les gens doivent voir les personnes de petite taille comme des personnes à part entière, qui peuvent faire ce que tout le monde fait. Ils doivent aussi être indulgents envers les parents des personnes handicapées. Ce sont des gens qui sont aussi traumatisés par le handicap de leur enfant » fait-elle comprendre.

Elle rêve aussi d’un monde où tous les enfants de petites tailles sont scolarisés.

Pour le futur, Sarah envisage obtenir un siège pour l’association Elan des personnes de petite taille, afin de pouvoir mener des actions et faire librement les différentes activités. « On a un petit terrain, la ferme de climate sol, mais on n’a pas d’eau. Notre objectif est de faire une ferme modèle, de formation des jeunes en agriculture, en élevage, en pisciculture, etc. Nous serons ravis de bénéficier d’un forage de toute personne de bonne volonté afin de commencer nos productions », confie-t-elle.

Elle lance un appel au ministère de l’environnement, aux ONGs et aux personnes de bonne volonté à accompagner sa structure sur le plan moral, psychologique, financier, avec des formations et à favoriser l’écoulement de ses foyers écologiques et économiques.

Elle invite toutes les personnes handicapées à ne pas se décourager. « Le handicap n’est pas une fatalité. On doit se forger pour s’en sortir et non se recroqueviller sur nous-même », a-t-elle affirmée. Pour elle, les personnes handicapées sont les meilleures et les plus intelligentes. De ce fait, ils ne doivent pas se laisser abattre par leur handicap.

E.W.Heureuse CONGO

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